Publié le samedi, 17 août 2019 à 10h21
Borgo Vecchio, roman de Giosuè Calaciura
"Borgo Vecchio", c'est le roman de l'enfance maltraitée. De l'innocence ignorée, abusée, sacrifiée. C’est le roman de la famille patriarcale faite métaphore de la cruauté d’une société tribale prise en contraste entre la fidélité apathique à l’archétype et l’incompréhension de la modernité.
Le quartier de Borgo Vecchio semble isolé du monde, inaccessible aux lois de l'État qui l'héberge comme une tumeur incurable. Les incursions de la police semblent inexorablement vouées à l’échec face à une société impénétrable, incompréhensible et compacte, du dernier des criminels au prêtre qui recycle les objets liturgiques volés.
Dans une société où le seul souffle de beauté provient des grâces d'une prostituée fanatique qui enferme sa fille sur la terrasse, pendant son commerce sous le regard de la Vierge Marie, où le héros à imiter est un voleur à l'agilité de félin et à la fuite imparable, se cache malgré tout un résidu d’innocence. L'innocence de trois enfants et d'un cheval, victimes sacrificielles d'adultes qui semblent avoir perdu la boussole de toute morale.
Tandis que dans "Malacarne" et "Urbi et Orbi" on suivait les vicissitudes de personnages guidés par des visions du monde surprenantes mais malgré tout intelligibles, ici les personnages semblent ne suivre que l’instinct d’une volonté masochiste d'auto-destruction et d’une cruauté autant sadique qu'inutile.
Si beaucoup disent retrouver dans les pages de Borgovecchio les échos du réalisme magique sud-américain à la Marquez, trop vital etinconsciemment optimiste, ici nous sommes, à mon avis, dans un monde beaucoup plus sombre et baroque, totalement étranger à l'espoir. J'yvois la mer qui poursuit les enfants du "Malacqua" de Pugliese mais aussi la moitié noire, celle qui exclut le sourire, du noir et blanc de Ciprì et de Maresco.
Il y a ensuite la magie de la parole de Calaciura, qui continue de nous émerveiller, roman après roman (dans la traduction toujours magistrale de Lise Chapuis), seul antidote à l’horreur d’un monde sans espoir sinon celui de la fuite, celle qui détruit les ponts derrière elle pour s'empêcher toute idée de retour.