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Publié le samedi, 8 février 2025 à 09h34

Milena Agus Le vent passe et la nuit aussi. Misère et noblesse

Par Stefano Palombari

Milena Agus Le vent passe et la nuit aussi - couverture

Cosima est une jeune fille qui vit avec ses parents et son petit frère à Cagliari. Ils se sont installés en ville car la vie à la campagne devenait de plus en plus dure. La famille survit grâce aux ménages de la mère. Le père est un artiste. Sa volonté s’est évaporée au profit d’une velléité tenace. Ses rêves ont remplacé une réalité moche et douloureuse.

Si le père sublime la dure réalité dans son monde édulcoré, Cosima a une autre stratégie : elle « littérature ». A l’aide des grands écrivains et poètes italiens et étrangers, la jeune fille maquille son quotidien pour le rendre vivable. A la campagne, Cosima a laissé sa grand-mère mais surtout « tantine Ausilia », une voisine compatissante qui ne rechigne pas à lui glisser fruits, légumes et gâteaux dans le cabas lors de ses visites.

La seule personne qui semble constamment inquiète de la situation plus que précaire est la mère. La seule qui n’a ni rêves, ni littérature. Elle vit à fond dans la réalité. Elle la subit de plein fouet. Elle voltige d’un ciel nuageux sans parachute. Un peu comme si en plus de ses propres malheurs elle prenait en charge aussi ceux délaissés par sa fille et son mari. Le petit-frère, quant à lui, a développé une sorte de protestation discrète. Il ne parle ni ne marche. Tel qu’Oskar Metzerath il a décidé de mettre en pause son développement.

A compliquer la situation, l’aveu soudain, de la part de la grand-mère, d’une parenté encombrante. Un grand-père toujours cru décédé qui revient à la vie sous forme d’un Monsieur riche et hautain. Un Monsieur qui a de son côté une descendance avec sa femme légitime. Le péché de jeunesse de grand-mère se transforme en une sorte de mirage, un salut inatteignable. Une injustice supplémentaire.

Le vent passe et la nuit aussi n’est sûrement pas le meilleur roman de Milena Agus. Mais tout son univers est là. Ses personnages à l’humanité débordante, toujours hésitants, dubitatifs, complexes. Hommes, femmes, enfants qui échappent à la caricature, à la facilité d’un rôle figé. Et, à chaque page, on retrouve toujours, avec délectation, son talent de narratrice.

Informations pratiques
  • Milena Agus, Le vent passe et la nuit aussi, traduit de l'italien par Marianne Faurobert, Liana Levi, 19€