Publié le jeudi, 8 février 2018 à 09h01
Le temps des hyènes, roman de Carlo Lucarelli
Le temps des hyènes est le troisième volet de la série de polars coloniaux de Carlo Lucarelli, commencée désormais il y a plus de sept ans avec La huitième vibration. Suivra, quelques années plus tard, Albergo Italia dont Le temps des hyènes reprend certains personnages et surtout le décor. Après quelques pages, en effet voilà réapparaître le capitaine Colaprico et son adjoint Ogbà, le futé zaptiè (carabinier indigène), ainsi que la même atmosphère étouffante, asphyxiante des deux précédents volumes. Nous sommes en Érythrée, colonie italienne, dans les environs de la ville de Massaoua, au début du 20ème siècle.
Le temps des hyènes partage les qualités des deux romans précédents : un style clair, concis et raffiné - parsemé de mots en tigrigna, la langue locale - une intrigue bien ficelée et la saisissante fidélité dans la reconstruction de la vie en Érythrée à l’époque de la colonisation italienne. La plume de Lucarelli dévoile avec une surprenante évidence les rapports de force entre envahisseurs et population autochtone, le racisme affiché, « décomplexé », de certains colons ainsi que les rares manifestations d’humanité et de sympathie qui surgissent soudainement, de façon totalement inattendue.
Concernant l’histoire, la structure est des plus classiques. Un meurtre dans les toutes premières pages. L’enquête est confiée au capitaine des carabiniers royaux Piero Colaprico, épaulé par son adjudant Ogbagabriel Ogba, le Sherlock Holmes de l’unité indigène des carabiniers. A son insu, l’Abyssin s’approprie même de la devise du héros de Conan Doyle, en se répétant, à chaque indice découvert, que évidence rime rarement avec vérité. Les deux militaires, en dépit des sabotages et des multiples tentatives de les détourner de la bonne piste, vont résoudre le cas. Officiellement, le meurtre qui déclenche l’intervention des carabiniers n’en est pas un. Il s’agit, en effet, d’une série de suicides par pendaison.
Le temps des hyènes est strictement lié à Albergo Italia, le roman précédent de Lucarelli. On y retrouve également quelques personnages secondaires parmi lesquels Oualla, la polissonne en « tigrigna ». Ce n’est pas une prostituée, mais « une fille des rues, qui aime jouer, avec tout, même avec les hommes et même avec les ferengi (les blancs) ». Elle fait une petite apparition discrète, à la Hitchcock, dans Le temps des hyènes. Une sorte de clin d’œil au lecteur pour tester son degré d’attention.