cinéma

Publié le mercredi, 10 juillet 2024 à 17h35

Ludwig, le crépuscule des dieux de Luchino Visconti au cinéma en version restaurée

Par Marco Lotti

Helmut Berger dans une scène de Ludwig de Luchino Visconti

Dans le cadre de la minirétrospective "Le XIXème siècle de Luchino Visconti". Les Acacias, société de distribution indépendante, fait ressortir en salle, en version restaurée, Ludwig, le crépuscule des dieux, le 31 juillet 2024

Devenu roi de Bavière à 19 ans, Louis II, entame son règne avec enthousiasme. Mais ses proches le déçoivent. Il se sent trahi par Richard Wagner dont il est le mécène et, espère-t-il, l'ami, et sa cousine Elisabeth d'Autriche lui refuse son amour. Subissant de surcroît des échecs politiques et militaires, Ludwig, seul dans ses palais fastueux, sombre dans la folie.

« Wagner a reconnu, proclamé la fonction idéologique de l’opéra : il espérait sauver le monde désenchanté par l’art et le mythe. Mais Visconti ne métamorphose pas l’Histoire en mythe, c’est le mythe qui se dégrade, dans Ludwig, en historicité. La distance entre l’actualité de l’image et le roi Louis II de Bavière historique est du même ordre que la distance qui séparait ce roi historique de la mythologie wagnérienne. L’existence de Ludwig devient l’expérience vécue, impossible, de la religion de l’art. En tant que tout autre, en tant que réalité différente, l’art exige – il est le produit de – la forme de la vie bourgeoise : celle de Wagner. Visconti en a éliminé le moment de jeunesse révolutionnaire : on ne voit plus que l’histoire d’adultère, les robes de chambre, le chien, l’arbre de Noël et surtout les intrigues pour obtenir de l’argent. Seul, Ludwig, nouveau Don Quichotte, croit à la réalité effective de Parsifal et de Tristan. Il les vit affectivement et les bourgeois en habit noir qui ont inventé la religion de l’art, la politique et l’internement, viennent l’arrêter pour folie. La réalité de l’art ne peut être vécue que comme son inversion, dégradée par la prose du monde.

Cette positivité n’est pas annulée esthétiquement : elle triomphe et ne se transcende pas en « mélo-drame », mais devient aspiration, musique, paysage. À la différence de Senso, toute

architectonique reste absente de la constitution formelle de

Ludwig : et cette différence tient aussi aux modèles musicaux, la passion et le pathos, Verdi et Wagner, dont s’inspirent les films. Il n’y a plus la même intensité du geste passionné que dans Verdi : non l’espoir révolutionnaire, mais le pessimisme qui l’a trahi. Wagner suspend l’action en tant que processus vital de la société, il l’immobilise pour la conduire dans le royaume de la mort (Adorno). Chez lui, le rythme cède, disait Nietzsche, à « la rumeur des marais ». De Senso à Ludwig, il y a la différence entre l’immanence de la passion active et la passivité contemplative de l’aspiration, une proximité plus grande de Senso par rapport à l’opéra, et de Ludwig à l’égard du roman.  » Youssef Ishaghpour

Informations pratiques
  • Au cinéma à partir du 31 juillet 2024

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