Publié le jeudi, 18 février 2021 à 09h31
Le Ladies Football club, roman de Stefano Massini
Pour nous raconter des histoires, petites ou grandes, Stefano Massini manie à la perfection cette prose en vers dont il a le secret. Il a la faculté de nous plonger, par petits traits, par phrases courtes et hachées, dans le cœur de l’intrigue et des personnages. Il arrive là où les essais et les documents ne peuvent pas arriver. Même si l’auteur nous raconte des faits qui se sont réellement déroulés, on est bien dans la littérature. L’empathie qui se crée entre le lecteur et les personnages permet à ces derniers de s’affranchir des pages imprimées. On les sent pulser, haleter, souffrir, jouir. En paraphrasant Pirandello, pour exister les personnages de Massini cherchent leur lecteur.
Après Les frères Lehman, sorte de poème épique à la gloire des deux frères qui ont fondé un empire financier en partant de zéro, cette fois-ci, Massini s’attaque au foot. Le Ladies Football club est le nom que se donnent onze ouvrières d’une usine d’armement lorsqu’elles décident de fonder un club de foot féminin.
Nous sommes en Angleterre, la « Grande Guerre » bat son plein, et les bombes fabriquées par l’usine Doyle et Walkers sont rondes comme des ballons. « On raconte que tout commença avec Violet Chapman / car c’est elle qui donna le premier coup de pied ». On est le 6 avril 1917. Naturellement Violet n’a pas shooté dans une bombe mais dans « Sister K », sa sœur inoffensive.
C’est le début d’une épopée, d’une aventure qui, en pleine guerre, prend forcément des teintes politiques. Elles ne se débrouillent pas mal du tout. Leurs exploits, d’abord moqués, deviennent au fil du temps retentissants et l’instrumentalisation prend le pas sur les moqueries.
Massini nous présente une à une les 11 protagonistes. Chacune avec ses qualités, ses défauts, ses lubies. Mais surtout il nous fait comprendre de l’intérieur leur courage extraordinaire. Empiéter officiellement sur un territoire très « testotéroné » comme un terrain de foot est un acte subversif. A cette époque les « bonnes femmes » même si de facto font tourner l’économie, de jure elles ont une place très exiguë dans la société.
La première guerre mondiale marque justement le point de bascule historique qui a donné le coup d’envoi de la longue lutte d’émancipation des femmes. Sans elles, l’économie se serait effondrée et la guerre aurait été perdue. L’équipe des onze ouvrières, tout en étant bien réelle, se charge également d’une valeur métaphorique forte. Le Ladies Football club est un livre important et léger, si on me passe l’oxymore. La belle « prose poétique » de l’auteur nous incite à dévorer les pages. Une fois le livre entamé, le lecteur ne peut pas résister à l’envie d’aller shooter dans le ballon avec les 11 ladies.
Informations pratiques
- Stefano Massini, Le Ladies Football club, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Editions Globe, 20 €
Vous pouvez commander ce livre, en italien ou en français, sur le site de La LIbreria