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Publié le dimanche, 10 mai 2020 à 11h05

Interview de Philippe Chevassu de Tamasa Distribution

Par Valérie Mochi

Alberto Sordi et Brunella Bovo dans une scène du Cheik blanc de Fellini

Vous aviez commencé la distribution de 3 films de Fellini en février un cycle « Fellini la preuve par 3 », le dernier film devait sortir le 18 mars, pouvez vous nous dire comment vous gérez cette situation avec la fermeture des salles ?

On n’a pas de chance d’un point de vue italien cette année, en mars on avait, on a une énorme activité italienne, les 3 Fellini, I Vitelloni, Les Nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria), Le Cheik Blanc (Lo Sceicco Bianco), mais aussi 2 Ferreri, Le Mari de la Femme à Barbe (La donna scimmia) et Le Lit Conjugal (Una storia moderna: l'ape regina), Fantozzi, Il Medico della Mutua  de Luigi Zampa, et d’autres qui étaient prévus. Et pour la vidéo, les Fellini, le Zampa, les Ferreri, plus un coffret Scola et aussi Les deux adolescentes (I Dolci Ingani) et Guendalina de A. Lattuada. Et puis j’en oublie un, qui n’est pas des moindre en salles et en vidéo, une version inédite qui avait était censurée après Venise de Europe 51.

La situation est kafkaïenne, on n’a aucune visibilité, certains parlent de la réouverture des salles en juin, en juillet, en septembre, mais on ne sait rien, ça dépend de l’évolution de la pandémie, et puis aussi du retour des spectateurs dans les salles.
Alors choisir des dates pour des sorties actuellement ça me semble impossible, à mon avis il va y avoir un embouteillage monumental sur les classiques, il en sort déjà trop ces temps-ci. On est déjà dans un système extrêmement saturé parce les salles qui font du patrimoine ne sont pas si nombreuses, à Paris d’une part, mais en province encore moins, comment une salle pourrait absorber quatre ou cinq rééditions par semaine en plus d’annoncer les nouveaux films ?

D’autre part on a un programme auquel on doit se tenir vis a vis du CNC, et, pour les sorties en salles, outre le fait que nos contrats courent et qu’on a un mandat à durée limitée, si on ne sort pas les films avant six mois un an, il en résulte un problème de trésorerie et de rentrée d’argent. Nous on a des activités multiples donc on s’organise en fonction, effectivement, on sortira les films plus tard, mais la question est comment vit-on sans chiffre d’affaire pendant quatre mois.

Et puis dans notre cas où il y a avait une logique de sortie en salles et en même temps en vidéo ça devient un problème énorme parce qu’on ne peut pas sortir un film à n’importe quel moment. Pour le cinéma italien à proprement dit c’est une vraie question car le printemps et l’été sont les saisons où on sort beaucoup de comédies en salles, des choses légères qui sont vraiment dans l’air du temps et si on ne peut pas les sortir en mars c’est problématique.

Quant aux éditions vidéo, si par exemple vous sortez des éditions très chics, très luxe sur les deux Fellini, Vitelloni, Cabiria maintenant, ils seront tués dans l’œuf, même si ce sont des films monumentaux, on doit les sortir en octobre ou en novembre, pour les fêtes. En plus l’exploitation en salle de ces films n’était pas terminée à Paris, en province on ne sait pas comment réagirons les exploitants, ils ont tendance à être frileux vis à vis des films de patrimoine…

Parce qu’ils sont moins rentables, il y a moins de spectateurs ?

C’est pas qu’il y a moins de spectateurs, ils font moins de séances, c’est vrai, mais ne vaut-il pas mieux une séance unique avec un film de patrimoine qui fait 40 entrées que de prendre un film actuel qui va faire avec 5 séances 60 entrées ?

En ce moment, les tournages sont suspendus, il y a beaucoup de productions qui sont arrêtées pendant tous ces mois, cela va peut-être équilibrer les sorties de films ?

Certes les tournages sont suspendus mais il y a quand même une offre énorme, les distributeurs ont une quantité importante de films à sortir, et en fonction de la date de réouverture des salles et de la reprise des tournages, il y aura une absence beaucoup moins longue de production qu’il n’y aura d’exploitation. Les Etats Unis aussi vont débarquer avec tout ce qu’ils ont bloqué dès le mois d’octobre, une déferlante de films américains, c’est à dire tous les films qui étaient presque terminés ou qui étaient en post production, et puis tous les films qui pariaient sur les festivals comme Cannes ou autres, donc, le côté régulation naturelle parce que la production de films est suspendue, franchement, je n’y crois pas, il y a une telle offre de cinéma…

L’autre dégât collatéral de confinement, c’est que on ne peut pas tourner les bonus et les compléments des éditions vidéo. Par exemple, JF Janaudy des Acacias doit sortir en salles les deux Lattuada et nous en parallèle les deux vidéos, mais avec le confinement on risque de ne pas être prêts à temps, on ne peut pas tourner en ce moment.

On doit également sortir un autre dvd en italien, un film de Jean Baptiste Thoret sur Dario Argento, dans le coffret rétrospective Argento, et on doit faire avec Jean Baptiste un complément, mais on ne peut pas tourner, et ce n’est pas facile à gérer. On aurait la tentation de dire, prenons de l’avance mais comment prendre de l’avance quand on ne peut pas bouger …

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