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Publié le samedi, 9 mai 2020 à 09h28

Interview de Jean Fabrice Janaudy directeur Les Acacias

Par Valérie Mochi

Laura Antonelli dans une scène de Sexe Fou

Les Acacias distribue des films indépendants récents et aussi ce que l’on appelle des films de répertoire ou de patrimoine. L’Italie à Paris propose souvent des partenariats avec cette société, par exemple pour la mini rétrospective Dino Risi avec Sexe Fou (Sessomatto) qui devait sortir en avril.

Avez vous pensé à diffuser vos films sur des plateformes de streaming en Vod ?

Tous les films que l’on distribue sont exploités en salles dans toute la France. Quand le marché du dvd a commencé à exploser pour les films de répertoire, on n’a pas pris la décision de devenir distributeur de vidéo. Et sur la plupart des films que l’on distribue en répertoire, on ne possède pas les droits vidéo ni télé. On travaille beaucoup avec TF1 et Canal pour les droits audiovisuels. Par exemple pour les deux films de Lattuada que l’on devait sortir au mois d’avril, « Les Adolescentes » et « Guendolina », ce sont deux films de TF1 et donc c’est TF1 vidéo qui gère sa diffusion télé et plateforme et c’est Tamasa qui sortira les dvd. On n’a jamais pris ce tournant là, on s’est vraiment concentrés toutes ces années sur la sortie en salles, pour nous la priorité c’est le cinéma.

Alors parlons de Sexe Fou (Sessomatto), vous attendez la fin du confinement pour reprendre sa distribution en salles ?

Je pense que les salles de concert, salles de spectacle, et les cinémas, c’est ce qui rouvrira en dernier, confinés dans un même endroit tous ensemble ce n’est pas possible, et en cas de deuxième vague de Corona virus, si elle doit avoir lieu, ces salles ne sont pas idéales, il faut des lieux ouverts.
A mon avis le cinéma va rouvrir en dernier, peut-être en juillet, et du coup devant ce manque de visibilité, on est obligés d’attendre, tout simplement. De toutes façons, on est prêts sur Sexe Fou (Sessomatto), les affiches ont été imprimées, la presse a vu le film, donc aujourd’hui on attend l’annonce de la réouverture des salles de cinéma. Au moment où les salles rouvriront il y aura sans doute deux ou trois semaines de décompression c’est à dire, une période où les salles vont reprendre les films qui étaient à l’affiche au moment de la fermeture pour permettre la fin de l’exploitation de ces films là et du coup ça nous laisse le temps, deux ou trois semaines pour remettre la machine en route, recontacter les journalistes, renvoyer les films dans les salles, envoyer les affiches, les outils de communication et laisser le soin aux salles de communiquer sur le film.

Cela va provoquer un décalage, un embouteillage ?

On va reprendre à zéro au moment de la réouverture donc il y aura un décalage de quelques mois. Nous sommes un tout petit distributeur, et on travaille principalement sur le répertoire, mais si on regarde un gros distributeur comme Disney, si on regarde les annonces aujourd’hui, tout a été décalé de quelques mois, des films importants internationalement comme Black Widow, renvoyé au mois de novembre, Les Eternels, décalé à début 2021. Les producteurs et les distributeurs des blockbusters vont attendre que la pandémie disparaisse dans les pays importants pour eux pour les sorties internationales. Cela signifie qu’il n’y aura sans doute pas de blockbuster américain en juillet août, surtout si les États-Unis sont encore en pleine crise.

En ce qui concerne les films arts et essai, ils attendent l’annonce ou pas du festival de Cannes. Et si Cannes a lieu cet été ou à l’automne, de nombreux films arts et essai importants vont attendre de passer à Cannes avant de sortir en salles. En fait je ne suis pas certain qu’il y ait un vrai embouteillage.
Sur le répertoire c’est un peu différent, avec l’équipe, on discute des sorties de films en amont avec les salles parisiennes du quartier latin, on attend la date de disponibilité du Champo, du Reflet Médicis ou de la Filmothèque et à partir de là on décide de notre date de sortie nationale. Par exemple pour Sexe Fou (Sessomatto) on avait choisi la date du 8 Avril avec le Reflet Médicis et pour Guendalina et Les Adolescentes (I dolci inganni) de Lattuada on avait décidé du 29 Avril avec le Champo. Alors quand les salles rouvriront on reprendra les négociations, il y aura sans doute un décalage, une partie des films qui devaient sortir cette année sortiront au 1er trimestre 2021, mais je suis plutôt confiant, on les sortira quand même.

Vous êtes optimiste, on entend tellement de scénario catastrophe

Je pense qu’il faut plutôt aborder cette période avec optimisme et avec conscience et de saisir toutes les opportunités qui nous sont offertes aujourd’hui pour traverser cette crise, et d’essayer d’être actif. Je suis confiant sur le retour des spectateurs en salles, la salle de cinéma est primordiale pour les spectateurs français, ça prendra peut-être 3 ou 4 semaines pour que le niveau d’entrée, l’envie de cinéma reprenne comme avant. La seule question épineuse c’est comment faire tenir nos structures, que ce soient pour les distributeurs ou les exploitants, on a aucune autre recette pendant la période du confinement.

Le ministère de la culture, le CNC devraient intervenir avec des aides

Oui un fond de soutien, pour l’instant, les exploitants et les distributeurs ont la possibilité d’utiliser une partie de leur fond de soutien automatique, plus l’emprunt d’état. Seulement il faut prendre en compte le cas de tous les distributeurs et pour beaucoup ce sont de petites structures qui n’ont pas aujourd’hui d’aide à la structure ou d’aide au programme au CNC. Ceux qui ne font pas de films français n’ont pas accès au fond de soutien automatique qu’ils pourraient utiliser donc il y a plusieurs sociétés qui sont dans un état de fragilité extrême. La question aujourd’hui c’est de créer un autre fond de soutien en dehors de ces dispositifs pour l’ensemble des acteurs de la filière, indépendamment des aides actuelles du CNC. C’est en cours de discussion, on verra et il faudrait surtout que ça touche tout le monde.

Dernière question, comment, pourquoi avez vous fait le choix des films italiens dans votre catalogue ?

En fait il y a des sociétés avec lesquelles on travaille régulièrement, il y a TF1 et Studio Canal qui ont tous les deux beaucoup de films italiens à leur catalogue, c’est vraiment au fil des restaurations. Avec Tf1 on a travaillé pour Les Camarades de Monicelli l’année dernière, et puis La Ciociara, et Gwendalina et Les Adolescentes et avec Studio Canal, Au nom du peuple italien de Risi, on a un aussi le projet avec Studio Canal de sortir d’autres films de Risi à la fin de l’année ou au début d’année prochaine.

A la suite de la Mini Rétrospective ?

Oui, en fait ce serait une deuxième rétrospective Risi l’année prochaine dans laquelle il y aurait essentiellement des films de Tf1 et de Canal, Une vie difficile (Una vita difficile), l’Homme à la Ferrari (Il tigre), Moi, la Femme (Noi donne siamo fatte cosi) et Parfum de Femme (Profumo di donna). Mais il y a un problème de droits et que le film est bloqué pour l’instant, mais on espère pouvoir débloquer cette situation dans les prochains mois.

Les films de la première rétrospective qui va se terminer avec SessoMatto et qu’on avait commencé avec Âmes perdues (Anima persa), la Carrière d’une Femme de Chambre (Telefoni bianchi), et Dernier Amour (Primo amore), sont des films qu’on avait achetés à la société Impex Films, un intermédiaire entre le producteur italien et nous. C’est la société Impex qui nous a contacté, ils connaissent notre goût pour le cinéma italien. Et puis avec l’équipe, Nadine Mela, et Emmanuel Atlan et moi, on voit pour notre plaisir beaucoup de films, on est très cinéphiles depuis toujours et parfois on tombe sur des films qu’on trouve supers, alors on se pose la question de l’éventuelle distribution et à ce moment là commence toute l’enquête. D’où provient le film, chez quel producteur, sont-ils disponibles en France, sont-ils restaurés et c’est parti.

C’est passionnant

On aime énormément le cinéma italien tous les trois, on sait aussi que pour les spectateurs français il y a un vrai appétit et un amour du cinéma italien, et comme le cinéma contemporain italien est assez peu présent et peut-être pas du même niveau, à de rares exceptions, du coup c’est sur le répertoire que cet amour là se déplace, donc on continue de chercher et de voir des films.

Informations pratiques

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