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Publié le jeudi, 11 mai 2023 à 10h32

Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri de Valerio Varesi. Avancer dans la brume

Par Murielle Hervé-Morier

Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri - couverture

Malgré ce titre, le commissaire Soneri n’a rien d’un débutant. Avec ce huitième roman publié en France, il conforte même sa réputation de Maigret italien. Même si le policier parmesan ne cache pas sa préférence pour le toscano, on trouve bien des similitudes avec son homologue fumeur de pipe, comme une forte personnalité couplée à une humeur sombre et l’habitude de toujours se fier à son intuition. De plus, pour n’importe quel flic de haut vol, il en faut beaucoup pour se laisser abattre… Les vicissitudes de la vie n’ont donc jamais raison de son appétence pour la bonne chère et Soneri, fier ambassadeur de la gastronomie transalpine, fait honneur au Grana Padano et autres agnolotti. Résoudre les énigmes emberlificotées, ça creuse ! Et il faut tenir.

Dans cette enquête, Soneri s’attelle à résoudre le mystère autour de deux morts qui pourraient bien avoir un lien entre elles : d’une part, un jeune homme désespéré s’est pendu dans un vieil hôtel abandonné, de l’autre, un ex-leader d’extrême gauche embourgeoisé, Elmo Boselli, a été sauvagement assassiné à l’arme blanche.
Alors, pour démêler les fils embrouillés d’un nouvel écheveau et dissiper le flou brumeux entourant ces affaires, notre protagoniste va par intermittence délaisser l’humidité et le brouillard de la plaine padane pour la Riviera ligure. Une occasion pour le commissaire de prendre conscience de son insignifiance et de ses limites face à l’infinitude océane : « – Je suis toujours comme ça quand je viens ici, dit Soneri en observant l’air absorbé et les sens en veilleuse cette mer aux mouvements placides et à la puissance silencieuse. » – Je pense à toutes ces profondeurs. – Il doit y avoir de tout là-dessous, des réponses à un sac de questions. Le problème, c’est que l’eau submerge tout. Tu ne peux pas fouiller les fonds comme sur la terre. Et puis, aux gens de la bassa, ça fout la trouille, ces horizons profonds. »

Ainsi, entre Parme et La Spezia, Soneri promène-t-il ses ruminations et se confronte aux espoirs d’une génération qui rêvait de transformer le monde. Il est d’ailleurs beaucoup question de l’esprit de Mai 68 et des idéaux de jeunesse quand, pour certains, tout semblait à portée de main, qu’il était tentant de succomber à une envie d’ailleurs et que l’Inde avait des allures de terre promise. Il y en a même qui sont tombés dans la marmite sans jamais en être vraiment ressortis : « On voulait tout. Comme si on avait franchi les limites imposées à nos pères et à nos grands-pères et qu’on s’était retrouvés devant un espace infini. »

Au travers des péripéties de ses personnages, Valerio Varesi brosse un portrait sans concession de la société italienne d’aujourd’hui qui, sur ce point, n’a rien à envier à la société française.
Pour conclure sur une note légère, vous saviez peut-être que Maigret se prénomme Jules. Et le petit nom de Soneri, c’est comment ? Allez, je vous le souffle, il s’appelle Franco.



Informations pratiques,

Informations pratiques
  • Valerio Varesi, Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri (È solo l’inizio commissario Soneri), traduit de l’italien par Florence Rigollet, Éditions Agullo, 22,50 €