Borgo Sud de Donatella Di Pietrantonio. Ma sœur est fille unique

Par Stefano Palombari

Borgo Sud est un quartier de Pescara, chef-lieu des Abruzzes. Une ville pas très touristique, lieu rarement littéraire. Sauf pour le « Vate », le grand écrivain et poète Gabriele D’Annunzio qui y est né. Borgo Sud est un nom fictif mais ceux qui connaissent la ville n’auront pas du mal à reconnaître ce quartier populaire habité essentiellement de pêcheurs.

Borgo Sud est un refuge qui peut se transformer en piège. Adriana, sœur cadette de la narratrice, y a élu domicile après avoir quitté l’inconfortable maison familiale. Issues d’une famille de paysans rustres et brutaux, dont l’effort éducatif se limitait aux réprimandes, les deux sœurs, ainsi que leurs frères, ont vite quitté leurs parents et leur bled paumé.

Adriana, la sœur rebelle et insoumise, a été la première à partir. De façon soudaine. Sans prévenir. Au milieu des pêcheurs pauvres de Borgo Sud et de leurs familles, Adriana est dans son élément. Tandis que la narratrice, bonne élève et fille sage, a quitté le village natal en bonne et due forme, pour poursuivre ses études en ville.

Les hommes que les deux sœurs se choisissent sont aussi aux antipodes. Adriana vit une histoire tourmentée avec Rafael, un pêcheur farouche aux grands biceps et aux dettes colossales. La narratrice se marie avec le fils d’un notable de la ville et entame une carrière universitaire qui l’amènera en France. Deux parcours qui divergent sans jamais se quitter totalement.

Adriana avait déjà pointé son nez lors du précédent roman de Donatella Di Pietrantonio, La revenue. Les traits et les agissements des deux personnages homonymes ont des troublantes similitudes qui poussent le lecteur avisé à échafauder des hypothèses hasardeuses sur les rapports entre les deux histoires. Car les points de contacts sont nombreux. Serait-il finalement une seule et même histoire ?

Par petites touches, Donatella Di Pietrantonio peint un portrait magnifique de cette sœur encombrante et excentrique. Une pâle silhouette qui, au fil des pages, se détache et s’enrichit de détails. Un processus de définition par contraste, par opposition à la narratrice, bien plus formatée, mais pas uniquement. Par opposition à un monde faible et corrompu, irrémédiablement compromis avec la médiocrité. Adriana apparaît inadaptée car entière, la seule de son entourage à garder intacte son adhésion à ses principes et à sa liberté.