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Publié le mercredi, 10 janvier 2018 à 11h25

La revenue, roman de Donatella Di Pietrantonio

Par Stefano Palombari

La revenue - couverture

La revenue, dernier roman de Donatella Di Pietrantonio, est un livre surprenant. Au-delà, ou plutôt en-dessous, de l’intrigue, le thème principal est le paradoxe. Sur le plan formel, le texte est d’une grande délicatesse, d’une extrême élégance. L’écrivaine manie le stylo avec une précision chirurgicale, une efficacité redoutable. Tout ça pour raconter une réalité d’une brutalité grossière. L’effet est donc d’autant plus « éclatant » car la matière est chaude, brûlante… un magma.



Mais poursuivons sur les paradoxes : La « revenue » ne savait pas d’être partie. La « revenue » est une héroïne sans nom. On sait tout d’elle, ses secrets les plus intimes, mais pas son nom. Faut-il forcément nommer les choses pour leur donner une existence, comme le prétendait Michael Ende ? Mais surtout la « revenue » est « orpheline de deux mères vivantes ».

Sous forme de souvenirs, la protagoniste de ce beau roman de Donatella Di Pietrantonio évoque le traumatisme subi à 13 ans. Nous sommes dans les année 70, en 75 pour être précis. La jeune fille apprend que ses parents ne sont, en réalité, que des oncles éloignés et qu’elle devra quitter la maison, sa maison, où elle a toujours vécu pour retourner dans sa « vraie » famille.

Pourquoi ? c’est le doute qui taraude la jeune adolescente. A longueur de journée, elle échafaude plusieurs hypothèses, dans le but de dédouaner sa mère (l’ancienne). Elle invente une cause extérieure, une maladie grave, pour excuser l’inexcusable, pour justifier l’injustifiable. Mais que reste-il à un enfant s’il ne peut plus faire confiance à ses propres parents ? A sa mère ? La trahison d’une mère se situe dans le domaine de l’inconcevable.

Le changement de vie est d’autant plus brutal que la différence entre les deux familles est abyssale. L’une est l’opposé de l’autre. L’ancienne, sans enfant, est aisée, vit en ville, pratiquement face à la mer, est catholique pratiquante et donne beaucoup d’importance à la bienséance. La nouvelle famille est pauvre et nombreuse. A son arrivée, disons à son « retour », le choc fut rude. Elle n’a pas seulement dû partager la chambre avec ses quatre frères et sœurs mais dormir dans le même lit qu’Adriana, sa « sœur » de 10 ans, qui avait la fâcheuse habitude de faire pipi au lit.

Les souvenirs, car c’est de ça qu’il s’agit, opèrent un aplatissement des événements. Avec son mouvement à reculons, la suite déteint sur ce qui la précède. Les souvenirs littéraires de Donatella Di Pietrantonio échappent à ce sort. Tout nous est rendu avec les émotions de leur présent, avec l’émerveillement de la découverte. Ce qui lui permet de montrer, avec beaucoup de finesse les changements de jugement de la jeune fille. Sa progressive prise de conscience que l’humanité, das sa réalité factuelle, ne coïncide pas toujours avec l’idée que l’on en a. Les proclamations retentissantes sonnent creuses et se dissolvent dans le néant. La rudesse et la grossièreté n’empêchent pas au cœur de s’exprimer.

Dans l’esprit de la brillante jeune femme, promise à un avenir radieux, le jugement hâtif laisse la place à l’apprentissage de la profondeur. Elle se nourrit de son malheur pour grandir, pour mûrir. Jamais larmoyant, La revenue est un livre surprenant de justesse.

Informations pratiques

La revenue, de Donatella Di Pietrantonio, Seuil, 20€
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