Publié le mercredi, 8 novembre 2017 à 09h13
Au feu de Dieu roman de Walter Siti
Walter Siti occupe une place à part dans le panorama littéraire italien. Il cultive son penchant pour la provocation avec soin, élégance et sans modération. Cependant, il ne s’agit jamais d’une provocation gratuite. Ses romans secouent des certitudes, renversent des hiérarchies établies. A sa sortie, Au feu de Dieu a créé la polémique en Italie. Le personnage principal du roman, Leo, est un jeune prêtre attiré par les enfants. Le thème, bien que scabreux, a déjà été traité dans d’autres romans d’autres écrivains. Dans le cas de Siti, c’est la forme qui pose problème.
Lorsqu’on se penche sur un phénomène de société répréhensible, l’une des critiques les plus courues, et des plus faciles, est celle de la justification. Tenter de comprendre est assimilé, trop souvent hélas, à une volonté cachée de justifier. Leo, le prêtre de Siti, qui meurtrit son corps, en se fouettant pour se châtier de la tentation diabolique, ou divine, de la chair fraîche est une personne agréable, intelligente et cultivée. Il est l’incarnation même de la « banalité du mal ». Ceux qui se lancent dans un concours d’adjectifs des plus irrévérencieux possibles pour définir le livre de Siti lui reprochent justement son réalisme.
Leo est un prêtre sans histoire d’une paroisse de la banlieue de Milan. Il a des idées progressistes, il s’occupe de l’accueil des réfugiés, il a de la repartie, il sait bien se tenir en société… bref c’est une sorte de prêtre modèle. Il possède toutes les qualités pour être apprécié. Paradoxalement c’est plus pour ses qualités que pour son « problème » que la figure de Leo provoque tant de réactions outrées. On n’attribue pas une tare pareille à une personne qu’on a envie de mieux connaître et même d’inviter à dîner chez soi.
Les seuls moments où l’esprit troublé de Leo se fraie un chemin vers l’extérieur, ce sont ses prêches. Des sermons qui effraient les fidèles et qui vident l’église. En réalité, la pédophilie de Léo ne s’est exprimée concrètement que dans sa jeunesse. Un seul passage à l’acte et une épée de Damoclès qui le poursuit toute sa vie et qui risque de le terrasser à tout moment. Épée qui vacille sérieusement lorsqu’on lui confie le jeune Andrea.
Je soupçonne certaines vestales de la bienséance de ne pas avoir lu l’épais texte, ou du moins de ne s’être limités qu’à le feuilleter. D’autres, ceux qui sont allés au bout des 380 pages, sont des victimes de la simplification. Une petite relecture de « Les naufragés et les rescapés », où Primo Levi explique si bien le concept de zone grise, ferait le plus grand bien.
Au feu de Dieu est un livre profond, tourmenté autant que son protagoniste. Un livre où le choix audacieux d’un contenu dérangeant est soutenu par le courage d’un style magnifique, très personnel, souvent anguleux, parfois direct et abrupt. Après Résister ne sert à rien et La contagion, Au feu de Dieu place Walter Siti parmi les auteurs italiens les plus intéressants du moment.