Publié le samedi, 2 avril 2022 à 14h37
Antonio Tabucchi, Écrire à l'écoute, dialogues avec Bernard Comment
Cela fait maintenant dix ans qu'Antonio Tabucchi a quitté ce monde. Dix ans que nous n'avons plus le privilège d'aller chercher avec trépidation son dernier livre à peine paru. Et peut-être de le croiser, disponible et toujours accessible, lors d'une présentation dans une librairie parisienne.
Tabucchi avait en effet choisi Paris comme sa troisième maison, après Vecchiano et Lisbonne, et c'est à la Bibliothèque Nationale que sa famille a fait don de ses archives (je me souviens de l'émotion de déchiffrer son écriture dans les manuscrits exposés ici en 2014, à côté de ses lunettes rondes d'intellectuel).
Ceci pour dire que, étant à l'aise avec la langue de Molière, Tabucchi avait l’habitude de participer activement à la traduction française de ses œuvres. "Écrire à l'écoute" est justement l’hommage à Tabucchi, dix ans après sa disparition, de l’un de ses deux principaux traducteurs français, Bernard Comment (l’autre est Lise Chapuis dont vous connaissez certainement les belles traductions de Calaciura).
Mais Bernard Comment était devenu aussi un ami proche de l’écrivain toscan, c’est pourquoi il a pu puiser dans une riche archive personnelle faite de lettres et d’interviews, avec laquelle il a composé le présent volume. Les textes présentés, outre une touchante introduction, concernent principalement la partie finale de sa carrière littéraire, avec des références à ce que nous pourrions appeler sa "trilogie du temps" (Il se fait tard, de plus en plus tard, Tristano meurt, Le temps vieillit vite).
Ce que l’on remarque immédiatement en lisant ces dialogues, c’est la sobriété et la rigueur d’expression de Tabucchi quand il parle de littérature. Ainsi que l’intelligence et la pudeur de son discours.
La réponse à des questions spéculatives, désireuses de réponses théoriques, de vérités précises cachées derrière le texte, est toujours ramenée par l’auteur à un niveau plus élevé : celui de la genèse des textes, du sens de la littérature, de sa vision esthétique du monde, du temps, des relations humaines.
Tabucchi semble vouloir ainsi répondre aux questions insistantes (et parfois un peu pédantes) de son ami : je peux te dire pourquoi j’ai écrit mais je ne peux pas (et je ne veux pas) te dire ce que tu dois comprendre de ce que j’ai écrit. Le volume se termine par une interview amusante sur l’actualité politique et sociale de l’Italie du début des années 2000.
Une interview prise à chaud et publiée ici pour la première fois, où le caractère toscan de l’auteur sort dans toute sa virulence. Où la gêne désespérée et incrédule pour une Italie qui vient de se confier corps et âme à vingt ans de règne berlusconien, explose dans une invective cathartique qui semble faire écho au blasphème kilométrique de Benigni dans "Berlinguer ti voglio bene".
Informations pratiques
- Antonio Tabucchi, Écrire à l'écoute, dialogues avec Bernard Comment, Seuil, 18 €
Vous pouvez commander ce livre ainsi que les ouvrages de Tabucchi, en italien ou en français, sur le site de La LIbreria