Publié le mardi, 7 juin 2022 à 09h42
Une vérité changeante, roman de Gianrico Carofiglio
Les livres de Carofiglio - pour ceux qui le suivent déjà c'est sûrement un fait connu - ne sont pas exactement des romans policiers. L'intrigue, souvent élémentaire, n'est qu'un fil que l'auteur suit pour analyser les dérives de la société du sud de l'Italie, où la contiguïté avec le crime organisé finit parfois par créer une osmose entre code mafieux et sens commun.
L'utilisation des canons du roman policier permet une approche naturelle de thèmes complexes et, étant donné la grande popularité du genre en Italie, le rend accessible à un public beaucoup plus large qu'un roman classique. Il y a, et c'est évident, une volonté pédagogique chez Carofiglio, chose commune d’ailleurs à une bonne partie des auteurs de romans policiers italiens, de Sciascia, en passant par Macchiavelli, Vichi ou Lucarelli, jusqu’à Camilleri.
La particularité du polar italien est d'être éminemment de gauche, comme si l'envie d'écrire sur le crime correspondait à un besoin d'engagement social. Carofiglio ne fait pas exception, et à son engagement littéraire il a également associé l’engagement politique, en assumant un mandat de sénateur de la République avec le Parti Démocrate.
Dès son titre, « Une vérité changeante », le thème du roman est annoncé. Sans mobile clair, même une solution indiciaire évidente peut conduire à l’erreur. L'affaire du meurtre brutal (mais existe-t-il des meurtres non brutaux ?) d'un homme au passé trouble, lié au monde de l'usure, est rapidement résolue par le maréchal des Carabiniers Pietro Feneglio, grâce à un nombre écrasant de preuves et d'indices. Cependant, le mobile fait défaut et le maréchal, insatisfait, lance une seconde enquête non officielle alors que la partie semblait close.
Carofiglio, à travers les mots de son Maréchal, personnage enclin à l'introspection et à la réflexion sur l'art de l’investigation, tente également une métaphore entre l'enquête et l'art du récit. L'intérêt majeur du livre, réside cependant dans l'apparition de ce nouveau personnage, inaugurant une série de romans qui lui sont dédiés (le livre date de 2014) et qui va rejoindre celle du plus célèbre avocat Guerrieri.
En donnant le rôle principal à un Maréchal des Carabiniers, Carofiglio semble vouloir rendre hommage à la « Benemerita », qui vole rarement la vedette à la Police dans la littérature noire, pour rester reléguée, va savoir pourquoi, dans les blagues et les histoires humoristiques (à l’instar des Belges dans les gags françaises