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Publié le vendredi, 21 décembre 2018 à 09h40

Un Automne romain, de Michel De Jaeghere

Par Riccardo Borghesi

Un Automne Romain - couverture

En 1996, l'état de santé du Pape Jean-Paul II a fait craindre le pire, à tel point que de manière informelle on commença à penser à sa succession. L'auteur du livre, qui était à l'époque journaliste en charge des affaires du Vatican pour "Valeurs Actuelles", a été envoyé à Rome pour suivre les probables funérailles et le conclave qui allait suivre. Comme vous le savez, les choses ne se sont pas passées ainsi et le Pape vécut encore une dizaine d'années, faisant capoter rêves, projets ou cauchemars des cardinaux électeurs (beaucoup d'entre eux, étant donné leur âge, n’auraient pas participé au conclave de 2005).

Dans l'attente du trépas pontifical, l'auteur occupa son temps à parcourir la ville, à en explorer les monuments, vestiges de la grandeur perdue, et à rencontrer des personnalités proches du monde du Vatican : directeurs de musées, cardinaux, membres de la noblesse noire, journalistes spécialisés en affaires ecclésiastiques, Monseigneurs, notables divers et variés, des personnages plus surprenants les uns que les autres.

Le livre est donc le journal intime de ces jours d’attente et s’inspire délibérément des "promenades romaines" de Stendhal, illustre prédécesseur de l'auteur. Le style est élégant, précis, plein de descriptions passionnantes de monuments et d’épisodes historiques, avec une certaine ironie et une profonde capacité d’analyse.

Mais je dois avouer que la lecture de ce livre a suscité en moi des sentiments contradictoires. D'une part, l'élégance, l'humour léger et la précision scientifique des descriptions, m'ont poussé à continuer à lire, de l'autre, le malaise face à un point de vue sur les choses d'Italie plein d'un sentiment de supériorité latent, imprégné de préjugés implicites et naïvement exprimés sur les italiens (les antiquaires de la Via dei Coronari qui falsifient les objets qu’ils vendent, les ouvriers qui passent leur journée à faire semblant de travailler, les spectateurs d’un concert qui parlent et se fichent de la musique, l’État qui laisse tomber en ruine le patrimoine hérité indûment, etc) me poussait à fermer le livre avec un peu d'irritation.

L'Italie et la Rome d'aujourd'hui n'existent dans ces pages que en négatif. On n'y trouve que l’Italie qui n’est plus: la grandeur de l’Empire Romain et celle de l’Église catholique son héritier naturel.
Ce qui intéresse l'auteur, ce n'est pas de comprendre la réalité qu'il voit, mais de l'interpréter pour retrouver les signes d'un passé vécu avec nostalgie, comme la seule période historique digne de respect. Pour le reste, son regard survole une actualité sans intérêt et les seuls témoins du passé aux mots desquels il prête attention ne sont sans surprise que des français: Stendhal, le cardinal de Retz, Zola, Chateaubriand, Montherlant.

On trouve également un regard extrêmement conservateur sur les choses de l'église, qui peut peut-être toucher les lecteurs les plus croyants : la condamnation de l'œcuménisme en tant que cirque sans dignité, l'ouverture à la modernité vue comme une catastrophe pour le catholicisme. L'auteur ne parle évidemment pas du Pape François, qui sera élu dix-sept ans plus tard, mais il est facile de deviner ce qu'il pense du pontificat actuel.

Enfin dommage pour le peu d’attention accordée aux mots italiens dans le texte, pleins de coquilles et de "doubles" erronées, en contradiction avec l’élégance et le soin éditorial du texte en français. Le sous-titre du livre est "journal sans moi", mais finalement le "moi" est bien présent, avec toute sa vision du monde.

Informations pratiques

Un Automne romain, de Michel De Jaeghere
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