Publié le jeudi, 10 décembre 2015 à 10h25
Tina Modotti de Bernadette Costa-Prades
Mais quelle vie !! L'exclamation s'impose lorsqu'on tourne la dernière page de ce petit livre passionnant. La naissance de Assunta Modotti à Udine, dans le Frioul, six ans avant le tournant du siècle, dans une famille modeste, ne la prédestinait guère à un tel destin. Et pourtant Tina, diminutif de Assunta, a côtoyé les grands de ce monde.
Pour aider la famille, dans le plus grand désarroi depuis le départ de Giuseppe, son père, pour les États-Unis, Tina quitte ses études pour travailler dans une usine textile. Ce sont les années noires de la misère, éclairées uniquement par la passion pour la photo, dans l'atelier de son oncle.
À 19 ans, le tournant Elle embarque pour les États-Unis, retrouver son père. Son charme méditerranéen et sa sociabilité ne sont pas étrangers à son succès. A San Francisco, elle se fait remarquer. Tina démarre ainsi une carrière d'actrice pour le théâtre et le cinéma, à ses premiers balbutiements.
Dans les années 20, elle fait deux rencontres déterminantes. L'artiste Roubaix de l'Abrie Richey, dit Robo, avec « sa canne et sa cape de dandy bohème », qui deviendra son mari et quelques années plus tard, le photographe Edward Weston avec qui elle entamera une longue liaison.
Ce sont des années de luttes sociales et politiques. L'engagement de Tina prend forme petit à petit. Tout d'abord à côté des artistes, avec leur mœurs qui scandalisent les bourgeois : la vie au jour le jour, l'amour libre, l'absence d'un travail régulier, les fêtes quotidiennes.
Tina s’installe à Mexico et fréquente Diego Rivera, Frida Kahlo, Pablo Neruda… elle perfectionne sa maîtrise de l'image, en réalisant ses meilleurs clichés, derrière et devant la caméra. Son adhésion au parti communiste la poussera vers une sorte d'obéissance aveugle aux directives. En même temps, elle s'éloignera progressivement des artistes, réfractaires à toute discipline, et de la photo.
Chassée du Mexique, elle se rendra d'abord en Allemagne, puis en URSS et en Espagne pour combattre au côté des républicains pour terminer sa vie de nouveau au Mexique, le pays qui l'avait ensorcelée.
Un livre complet et plaisant, celui de Bernadette Costa-Prades, conçu sous forme de dialogue avec son sujet. L'auteure tutoie Tina comme pour lui rappeler sa vie hors norme. Le lecteur se voit donc attribué le rôle de témoin involontaire de cet « échange unidirectionnel ». Ce qui contribue à rendre la lecture extrêmement fluide et rapide.