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Publié le mercredi, 9 mars 2022 à 09h56

Silvia Avallone, « Une amitié ». L’image au pouvoir

Par Stefano Palombari

Une amitié de Silvia Avallone - couverture

Si vous demandez à quelqu’un une définition de l’amitié, la réponse sera farcie de mots lourds tels que fidélité, confiance, aide, disponibilité... Mais la théorie résiste rarement à l’épreuve de la réalité. La vie nous apprend que l’amitié est polymorphe. Elle assume des aspects parfois étonnants que l’on ne reconnaît pas d’emblée. Durant l’adolescence, période de tous les excès, l’amitié devient définitive. Au même titre que sa fin.



Lorsqu’elles se rencontrent sur les bancs du Liceo Classico Pascoli dans la petite ville de T., en Toscane, Elisa et Beatrice ont 14 ans. Tout les oppose. Cependant, comme deux pièces complémentaires d’un puzzle, leur rapport se mue en une amitié fusionnelle. Elisa est introvertie, maladroite, engagée, intello, Beatrice totalement concentrée sur elle-même, sur son apparence. Elles vont grandir ensemble. Ensemble, elles vont devenir femmes, des femmes très différentes que la vie éloignera inexorablement.

Le roman nous dévoilera Beatrice par ricochet. Son amie de jeunesse nous guidera, comme une sorte de Virgile de nos temps, dans les méandres de son esprit machiavélique. Mais elle se trompe de combat. En bonne foi, bien évidemment, dont nous savons que l’enfer est pavé. Car, plus que l’esprit, c’est le mécanisme qui se révélera implacable dans la construction d’une mythologie contemporaine. Beatrice ouvre la boite de Pandore et l’image, devenue paradigme, l’écrase.

La belle camarade de classe d’Elisa est une mise en garde vivante contre le pouvoir des réseaux sociaux. La marchandisation de la société par le biais du spectacle permanent, thèse chère à Guy Debord, est à son paroxysme. L’auteure nous montre les coulisses de ce monde lissé et étincelant. L’influenceuse Beatrice, aux millions de followers, n’est finalement qu’une marionnette dépourvue de la moindre liberté.

Silvia Avallone a cette capacité, apanage d’un petit cercle d’écrivains, de rester fidèle à elle-même tout en abordant des thèmes différents. Dans Une amitié le lecteur avisé retrouvera bien évidement tout l’univers de l’auteure piémontaise, la marginalité, la pauvreté, l’exclusion, les contrastes entre « la vie parfaite » et celle compliquée que l’on vit au quotidien. Et puis il y a certains thèmes récurrents comme les unions improbables, que nous avons déjà croisées par exemple en Marina Bellezza. Dans Une Amitié, les parents d’Elisa en sont l’exemple : la beauté vulgaire de la mère et la profondeur austère du père.

Naturellement, tout au long de la lecture nous percevons en filigrane le vécu de l’auteure. Les éléments autobiographiques constituent l’alphabet du roman, comme de tous les romans de Silvia Avallone. Biella, Bologne, la Toscane, autant de lieux qui forment une géographie littéraire personnelle, à l’intérieur de laquelle le lecteur ne sera jamais las de se perdre.

Informations pratiques
  • Silvia Avallone, Une amitié, traduit de l'italien par Françoise Brun, Liana Levi 23 €

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