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Publié le lundi, 17 juillet 2023 à 10h09

Rimbaud et la Veuve de Edgardo Franzosini

Par Riccardo Borghesi

Edgardo Franzosini, Rimbaud et la Veuve - couverture

Deux fantômes traversent ce livre singulier et passionnant de Franzosini. De la première à la dernière page, l'auteur tente de saisir la figure du poète de "Une saison en enfer" par un pan de sa veste (une veste froissée et poussiéreuse de vagabond), et celle d'une dame milanaise qui, en 1875, semble avoir accueilli Rimbaud sous son toit, le sortant de la rue, lui redonnant force et santé, après un éprouvant voyage à pied qui l'avait conduit de Stuttgart à Milan.

Elle n'était ni la première, ni la dernière bonne âme à l'accueillir, le nourrir, le soigner et le vêtir. Rimbaud avait cette capacité de susciter chez son prochain, où qu'il aille, ce désir de s'occuper de lui (maternel, érotique, amical?). A cette époque, Rimbaud avait déjà renoncé à la poésie, à la littérature, pour se consacrer à la grande traversée du monde.

La particularité de l'étape milanaise, de ce long et définitif voyage qui s'achèvera en 1891 dans un hôpital de Marseille, est qu'il n'en reste que des rares traces ineffables. Une carte de visite, des rumeurs, des témoignages de seconde main dans des lettres envoyées des années plus tard, des conjectures probabilistes. C'est précisément en raison de cette absence de preuves que le récit bascule dans une dimension quasi métaphysique. Franzosini nous a déjà habitués à des œuvres-monde, concentrées en très peu de pages. Ici aussi, chaque phrase est si dense de sens, d'informations et de suggestions que la petite centaine de pages prend des proportions encyclopédiques.

Avec humour et bienveillance, Franzosini fait revivre le Milan de la fin du XIXe siècle, ses cercles littéraires provinciaux, sa dimension de petite capitale européenne en devenir. Il nous parle également du fétichisme littéraire et humain qui a toujours entouré la figure de Rimbaud, dans la vie, dans la mort et dans l'éternité. Il nous en témoigne avec les échanges épistolaires, de ceux qui l'ont connu, avec la défense outrancière et déplacée de son honneur par sa sœur et quelques autres vestales autoproclamées du temple rimbaudien. Ou dans la volonté de ses concitoyens de l'honorer par un malheureux monument plusieurs fois voué à la destruction.

Et derrière cette armée débraillée d'adorateurs, le poète se profile, insaisissable. Par des allusions jamais directes, par des absences et des ombres sur les murs, comme dans la chasse à une particule subatomique, se dessine une personnalité liminale, imprévisible, mystérieuse, magnétique et répulsive à la fois, définitivement adolescente, dont l’œuvre la plus énigmatique reste sa trajectoire de météore dans le monde.

Informations pratiques
  • Edgardo Franzosini, Rimbaud et la Veuve, traduit de l'italien par Philippe Di Meo, La Baconnière, 17,50 €