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Publié le vendredi, 19 mars 2021 à 09h39

Revenir à Naples, roman de Paco Ignacio Taibo II

Par Stefano Palombari

Revenir à Naples - couverture

Décidément, la ville de Naples a la cote en ce moment. Après des années de dénigrement, des années de mépris, des années d’oubli, la ville tient là sa revanche. Les publications - romans, essais, récits, reportages… - se multiplient. L’identité napolitaine se dilue dans le fantasme jusqu’à devenir un objet littéraire, un lieu rêvé qui n’existe qu’en rêve. Par la suite, l’abandon du terrain onirique est plutôt rugueux, le réveil abrupte.

Revenir à Naples est un retour aux sources par métonymie. Lucio et ses camarades la fuient jeunes, aux balbutiements du siècle dernier. Anarchistes opprimés, ils s’embarquent clandestinement à bord du San Gottardo. Lucio Doria, tout seul, y revient près de quatre-vingts ans plus tard. Les femmes plantureuses des ruelles des quartiers espagnols, tel le chœur d’une tragédie grecque, racontent ses faits et gestes, de son arrivée à Veracruz au Mexique jusqu’à son retour dans sa ville natale.

Le désir de liberté et de justice qui pousse le groupe composite de libertaires napolitains sur les côtes mexicaines, ne se tarit pas à leur arrivée. Parmi eux un prestidigitateur, une poétesse, un boxeur, une prostituée et même un curé plutôt excentrique, Don Marco. Ils sont assez bien accueillis par le pouvoir local. Le temps de les étudier, de les comprendre. Le gouverneur Dehesa songe à les récupérer à sa cause. Avec l’aide du singulier baron Pietro Cheli, il entame une subtile opération de circonvention.

Sous la botte du dictateur sanguinaire Porfirio Diaz, le Mexique est administré localement par des gouverneurs corrompus qui n’hésitent pas à employer la manière forte pour protéger leurs propres intérêts. Teodoro A. Dehesa Méndez gouverneur de Veracruz est passé à la postérité pour sa longévité politique (gouverneur pendant presque 20 ans), sa vénalité et son absence absolue de scrupules. Il est finalement emporté avec ses affaires louches par le tourbillon de la révolution.

Nos amis napolitains, fantaisistes et pittoresques, poussés par leurs idées, leur droiture et leur honnêteté intellectuelle, ne peuvent que s’opposer aux abus et à l’oppression exercés par les notables sur les populations indigènes. L’empoisonnement des « Indiens sensass », leurs voisins, est le point de bascule. Ce sera la fin des Magnolias, leur joyeuse communauté, et le début de leur exode qui ne peut logiquement que se terminer là où tout a commencé.

J’ai savouré cet ouvrage avec un plaisir tout particulier. Il y a plus de vingt ans, j’avais chroniqué pour un journal suisse Jours de combat, le premier roman de Paco Ignacio Taibo II. A la lecture de Revenir à Naples (El Olor de las Magnolias), j’ai retrouvé la puissance et l’originalité de l’écriture de cet écrivain militant. Chaque chapitre est un arrêt de la navette incessante entre le présent et le passé. Le gouffre de quatre-vingts ans, qui provoque un léger vertige au premier abord, s’estompe au fil de des pages, laissant la place à une épopée dense de courage et d’engagement.

Informations pratiques
  • Paco Ignacio Taibo II, Revenir à Naples, traduction de l'espagnol Sébastien Rutés, Nada éditions, 16 €

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