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Publié le mardi, 31 décembre 2013 à 09h06

Quelque chose d'écrit d'Emanuele Trevi

Par Stefano Palombari

C'est une sorte de joute entre la « petite pute » et « la folle », du moins une liaison ambiguë. C'est peut être un exemple de fascination du mal. D'amour du bourreau. Ou bien de passion pour la matière pasolinienne, à tel point qu'on accepte les coups les plus durs à son ego. Pour une mission plus grande. Car l'ombre ou plutôt le spectre du grand Pier Paolo est toujours présent. Les disputes, en quelque sorte, le concernent toujours. Il en est la cause.

La « petite pute » n'est rien d'autre que le narrateur, alter ego d'Emanuele Trevi auteur de ce livre très plaisant et instructif sur son expérience de travail « aux fonds Pasolini à Rome ». Il était un jeune diplômé plein d'enthousiasme et de bonne volonté. Mais les fonds étaient la « chose » de Laura Betti, qu'Emanuele appelait en son for intérieur « La Folle ». A cause de ses écarts de langages, de ses colères ravageuses, de son imprévisibilité pour ne pas parler carrément de sadisme et d'hystérie.

L'égérie du poète s'était muée en vestale, gardienne aigrie du temple. Enlaidie, alourdie, elle gérait le fonds Pasolini, avec l'arrogance du chef d'entreprise et la jalousie de la femme trompée. Les admis ne le sont pas totalement et jamais pour toujours. Ils sont en sursis, suspendus aux humeurs de Laura Betti.

C'est dans ce contexte que paraît Pétrole, le roman posthume de Pier Paolo Pasolini, publié par Einaudi en 92. Un roman complexe, déroutant qui a mis en difficulté pas mal d'intellectuels. Ils en ont donné des interprétations des plus disparates.

« Quelque chose d'écrit. Ni plus, ni moins – c'est la formule qui affleure à plusieurs occasions dans Pétrole, comme la plus adaptée pour définir l’œuvre qui prend forme. La mieux adaptée, en effet, pour définir la nature d'un texte qui, telle une ombre ou une sécrétion poisseuse, ne parvient pas à se détacher totalement de son origine ou se refuse à le faire... »

Pétrole et Laura Betti est « une de ces imprudentes réactions chimiques qui, dans les dessins animés s'achève sur une explosion assourdissante ». La parution du livre fut un puissant élément perturbateur. Laura Betti était convaincue d'être la seule personne au monde à avoir vraiment compris Pasolini. Les articles de presse sur Pétrole provoquaient en elle des réactions d'une rare violence.

Quelque chose d'écrit est un ouvrage particulièrement réussi. A mi chemin entre la littérature et l'essai, l’autobiographie et le récit romanesque, c'est un livre dense, passionnant, et de surcroît écrit de façon admirable.

Informations pratiques
Quelque chose d'écrit
Auteur : Emanuele Trevi
Traducteur : Marguerite Pozzoli
Éditeur : Actes Sud
Prix : 23,50 €
Quelque chose d'écrit - Couverture
actes-sud, 23,50 €