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Publié le jeudi, 7 mai 2020 à 09h38

Quatre Amours, roman de Cristina Comencini

Par Riccardo Borghesi

Quatre Amours - couverture

Les quatre amours qui donnent le titre au livre sont ceux, à leur crépuscule, de deux couples d’amis. Deux couples qui ont suivi et partagé pendant toute leur vie des trajectoires parallèles : rencontre, mariage, enfants jusqu’à la rupture finale presque simultanée.

Le livre raconte précisément la fin de ces deux histoires conjugales du point de vue respectif des quatre protagonistes. Les ingrédients de ce livre sont ceux que vous pouvez imaginer : fin du sentiment amoureux, peur du vieillissement et de la mort, trahison, incompréhension, égoïsme, dépaysement, reconstruction, renaissance, nostalgie et regret.

En gros, à l’approche de la vieillesse, alors que les enfants sont devenus adultes, les deux couples se séparent soudainement. Il y a les deux bourreaux, ceux qui prennent la décision, et les deux victimes, ceux qui la subissent. Il y a des raisons superficielles (ne plus se sentir aimé, besoin de solitude) et des raisons profondes (abandon par le père, peur de la mort).

Il s'agit d'une sorte de traité sur les ruptures amoureuses en milieu bourgeois, privilégié et urbain. Les personnages sont en effet bancaires, décorateurs d’intérieur, publicitaires, professeurs d’université. Ils ont des résidences secondaires à la mer, une bonne culture, ils font des vacances de rêve.
Ils s’aiment mais parfois ils se trahissent. Des personnes très civilisées et très dignes, mais aussi un peu superficielles, et ambiguës dans leurs sentiments.

Dans la description de la normalité de ces couples aisés, le roman de Comencini est très convaincant, on voit qu’elle connaît bien ce beau monde. C’est peut-être pour cela que le regard porté sur le naufrage affectif des personnages est désenchanté, sceptique sur l’avenir et le sens de la vie de couple.

Les ménages dont il nous parle ne sont que des unités parallèles, des monades concomitantes. Le couple a des raisons d'exister jusqu’au moment où l'ego des époux en tire profit, il satisfait ses besoins primaires. Il n’y a pas trace d’effort conscient pour surmonter les difficultés, il n’y a pas d’intimité, il n’y a pas de poésie.
On a presque envie de regretter l’institution matrimoniale du XIXe siècle, celle sans amour, faite seulement pour garantir un avenir aux affaires de famille.

Il y a aussi beaucoup de coups de théâtre (c’est peut-être le point faible du livre) qui sont de véritables raccourcis narratifs : A quitte B et B se découvre une tumeur, tandis que A découvre en même temps que son amant est enceinte de lui; C et D se retrouvent par hasard à Tel-Aviv en vacances avec leurs amants respectifs. Un peu trop peut-être pour ne pas éveiller les soupçons.

Mais malgré cela, la maîtrise indéniable de Comencini (héritière d’une dynastie de réalisateurs et de scénaristes) accomplit un petit miracle en rendant la lecture extrêmement prenante et en poussant le lecteur, avec une habileté presque mesmérique, à l’empathie avec des personnages qui souvent ne la méritent pas.

PS: je ne sais pas si dans le cas d’une conjugalité bancale "Quatre amours" est une lecture adaptée au confinement (bien que le titre original "Seuls" soit presque prémonitoire). Si vous vous reconnaissez dans la situation de l’un des quatre personnages, je vous conseille de reporter la lecture à la phase 2.

Informations pratiques

Cristina Comencini, Quatre Amours, Stock, 20 €
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