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Publié le dimanche, 4 janvier 2015 à 11h56

Prends garde de Luciana Castellina et Milena Agus

Par Stefano Palombari

Prends garde - couverture

Prends garde est un ovni éditorial, un livre double face. Un côté littérature, l'autre document historique. Un même sujet. Il ne s'agit pas d'exercices de style. Plutôt d'un exercice de la mémoire pour arracher à l'oubli un événement de l'Histoire de la Péninsule.

Deux écrivaines se penchent sur le lynchage de deux femmes âgées, deux sœurs, qui fut commis à Andria, dans les Pouilles, dans l'immédiat après guerre. Luciana Castellina se charge de la version basée sur les documents et les témoignages, en tentant d'être le plus fidèle possible à « la vérité historique ». Les guillemets sont dus à un certain scepticisme à propos de cette chimère.

Milena Agus y ajoute du romanesque ce qui permet de voir les personnages s'animer, vivre, prendre de l'épaisseur.

Après la chute de Mussolini et l'armistice signé avec les Alliés, le 9 septembre 43, le Roi Victor Emmanuel III et le maréchal Badoglio, chef du gouvernement quittent précipitamment Rome pour se réfugier à Brindisi dans les Pouilles libérées.

La situation sociale des Pouilles est au bord de l'explosion. Dans cette région, la guerre d'abord et l’afflux de réfugiés ensuite, n'ont fait qu'amplifier la pauvreté des paysans. La masse des démunis qui se vendent à la journée pour un morceau de pain s’accroît de jour en jour. De l'autre côté, les riches propriétaires terriens, sans prendre la mesure des grands changements en cours, ne veulent rien lâcher de leurs privilèges.

Le livre raconte le destin tragique des sœurs Porro, victimes sacrificielles d'une situation dont la gravité leur échappait totalement. Elles étaient riches tout en vivant pauvrement, totalement recluses dans leur palais du centre d'Andria. La foule les a lynchées sur la base d'une rumeur. Par ailleurs leur culpabilité n'était pas forcément nécessaire. Elles incarnaient tout ce qu'ils détestaient. A leurs yeux elles concentraient en elles des décennies, sinon des siècles d'exploitation et d'injustice.

Si le texte de Luciana Castellina est rapide et concis, Milena Agus se laisse prendre à son propre jeu. Elle déborde en allant au-delà du thème assigné. Faconde comme son alter ego littéraire, l'écrivaine sarde a parfois la tendance à en faire un peu trop.

Le 8 janvier 2015 à 20h Luciana Castellina sera l'invité de Kathleen Evin dans l'émission L'humeur vagabonde

Informations pratiques

Prends garde de Luciana Castellina et Milena Agus, Liana Levi, 17 €.

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