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Publié le lundi, 31 mars 2025 à 12h45

Nives ou les cœurs volatils di Sacha Naspini

Par Riccardo Borghesi

Nives ou les cœurs volatils di Sacha Naspini - couverture

On dit que le temps est un gentleman, que son passage apaise les douleurs et cicatrise les blessures. C'est une loi de la nature. Les traumatismes, on les refoule si on les a subis, ou on les minimise si on les a provoqués.
Cette loi ne s'applique pas à Nives, elle est l'exception qui confirme la règle.

Nives s'est échouée à un moment précis de sa jeunesse, ce dont personne ne s'est jamais rendu compte. Ni son mari, qui vient de décéder en s'écroulant dans l'auge à cochons. Ni sa fille qui a fait sa vie loin d'elle. Ni Loriano surtout, le vétérinaire qui soigne ses animaux.

L'histoire commence comme une farce tragique et grotesque : un mari mort d'une crise cardiaque et rongé par ses propres cochons ; une veuve qui, pour exorciser les fantômes de la solitude, accueille chez elle une poule boiteuse ; cette même poule qui est hypnotisée par une publicité pour un détergent à la télévision. Mais à partir du moment où Nives décroche le téléphone pour appeler Loriano afin de réveiller la poule, l'histoire prend une autre direction, un autre souffle. L'accélération est vertigineuse, inexorable, la boule de neige devient une avalanche, le ruisseau devient une rivière impétueuse.

Sous le regard du lecteur pris au dépourvu, le passé reprend vie, les sentiments se ravivent, les cœurs battent la chamade et les rêves se brisent à nouveau, douloureusement.
Dans l’enchaînement d'images de vies désormais perdues qui refont surface, de rebondissements, de révélations soudaines et dévastatrices, il y a une maîtrise indéniable de l’écriture. Comme le fait de faire tenir deux vies entières dans un seul et interminable appel téléphonique nocturne. Cela s'accompagne d'un humour sauvage, à l'image des terres de la Maremme où se déroule l'histoire. Et une abstention de jugement contaminant le lecteur qui, au final, sera incapable de distinguer le bourreau de la victime, le gagnant du perdant.

PS : Comment se fait-il que l'on prenne la liberté de changer le titre d'un livre, le réduisant ainsi à un simple accessoire ? Cela reste pour moi un mystère. Dans l'édition originale, le titre est simplement « Nives ». On aurait volontiers évité les « cœurs volatils », ajoutés comme pour donner une touche de légèreté insouciante, dont on ne trouvera aucune trace dans ces pages.

Informations pratiques
  • Sacha Naspini, Nives ou les cœurs volatils, traduit de l'italien par Jean-Luc Defromont, Actes Sud, 16,80 €