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Publié le mardi, 7 mai 2024 à 12h04

Mario Desiati, Les Irrésolus. Cheminer hors du sillon

Par Stefano Palombari

Les Irrésolus - couverture

Martina Franca, magnifique petite ville des Pouilles, est l’Ithaque de cette histoire. Une petite ville entourée d’oliviers et de trulli. Un décor de rêve pour naître et grandir. C’est ce que pense la plupart de ses habitants. Sauf que dans les petites villes, on a un chemin tout tracé à suivre. Si on s’écarte du sillon creusé par des générations de Martinesi, on est « spatriati ».

Lorsque deux spatriati se rencontrent, c’est pour la vie. Francesco, le « je narrant », fils d’une infirmière et d’un prof de gym au lycée, voit pour la première fois Claudia dans la cour de son collège. Claudia est différente des autres. Déjà par sa luxuriante chevelure rousse. D’ailleurs, la plupart du temps, elle reste à l’écart, toute seule. Francesco éprouve une irrésistible attirance pour la jeune fille. Malgré la différence de milieu social, une forte amitié se noue entre les deux enfants.

Leur rapport devient encore plus soudé lorsqu’on apprend que la maman de Francesco a une liaison avec le père de Claudia, chirurgien à l’hôpital où elle travaille. Leur amitié est forte mais asymétrique. C’est la jeune fille qui mène le bal. C’est elle qui décide et Francesco la suit.

Si son attitude est vraiment celle d’une spatriata, pour Francesco, il reste encore du chemin à faire. Son parcours n’est pas totalement accompli.

Spatriati (Les irrésolus) est un très beau roman de formation qui s’invite dans le débat sur l’identité de genre. En Italie et en Europe en général c’est le point de crispation où les passions de la partie la plus nostalgique et réactionnaire de la société se déchaînent. Peut-on être défini par une identité immuable ? Sommes-nous destinés à être figés une fois pour toutes dans une appartenance binaire ? Le progrès social ne doit-il pas aussi nous permettre de nous situer dans un flou, dans une sorte d’identité souple ? Autant de questions abordées avec originalité dans ce livre d’une rare intelligence.

P.S. Spatriato, terme du dialecte de Martina Franca, qui désigne quelqu’un qui est en marge, qui s’écarte du droit chemin et qui donne le titre au livre, est traduit par "irrésolu". Il aurait peut-être été plus judicieux de laisser le titre original.

Informations pratiques
  • Mario Desiati, Les Irrésolus, traduit de l'italien par Romane Lafore, Grasset, 24€