Publié le mardi, 16 juillet 2024 à 11h49
L’invisible partout de Wu Ming. L’Apocalypse en quatre temps
Depuis l'Antiquité, la guerre est l’un des sujets préférés des écrivains. La guerre racontée, vécue, désirée, subie… Avec cet ouvrage sorti en Italie il y a dix ans, le collectif Wu Ming a fait le choix d’aborder son côté invisible. Pour ce faire, ils ont choisi la Première Guerre mondiale. Exécutant et principale victime de ce long conflit, le soldat est le protagoniste de ce texte en quatre mouvements. Quatre « soldats », aux traits bien différents, se passent le témoin.
Le soldat valeureux et convaincu est le héros, au sens propre et figuré de la première partie. Adelmo Cantelli est un paysan complexé par sa petite taille, poussé par sa passion des armes et sa volonté inébranlable d’échapper à un destin déjà écrit par ses aïeuls. Le deuxième est un « scemo di guerra », un fou de guerre, un simulateur qui se noie dans son récit. Les deux derniers sont l’écrivain et dessinateur Jacques Vaché, ami de Breton, précurseur du surréalisme qui succombera à la recherche d’un ailleurs et le peintre Paolo Bonamore, au style « mimétiste » qui tentera de protéger les soldats, en les rendant invisibles.
L’Invisible partout est une sorte d’OVNI littéraire. Ce n’est pas un roman au sens propre. Il se situe à mi-chemin entre une œuvre de fiction et un essai. André Breton et Jaques Vaché, côtoient des personnages fictifs comme le peintre « mimétiste » Paolo Bonamore. Tout est bien agencé, le vrai et le faux sont mélangés avec adresse au point de semer le doute dans l’esprit du lecteur. Les auteurs « citent » carrément des extraits d’essais de Breton où il parle de la peinture de Bonamore.
Ce texte, à l’apparence décousu, témoigne de l’irrationalité de la guerre. Le sacrifice insensé de milliers d’hommes pour gagner quelques mètres de terrain. Le peu de considération que les commandants et les décisionnaires ont toujours porté au soldat, de la simple « chair à canon ». Donner de la voix à la chair, c’est le défi réussi de ce livre précieux.
Informations pratiques
- Wu Ming, L'invisible partout, traduit de l'italien par Serge Quadruppani, Métailié, 20 €