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Publié le vendredi, 16 décembre 2022 à 09h51

L’Île du Vésuve de Clotilde Marghieri. A l’ombre du Volcan

Par Stefano Palombari

L’Île du Vésuve - couverture

Quand j’ai reçu L’Île du Vésuve, publié par Arfuyen, son auteure, Clotilde Marghieri m’était totalement inconnue. J’ai tout de suite pensé à la découverte tardive d’un talent à juste titre oublié. Mais j’ai dû reconnaître mon erreur d’appréciation et ça dès les premières pages.

Publié en Italie en 1960 sous le titre de Vita in villa (Vie dans la villa), la lecture de ce petit livre produit un plaisir exquis. Écrivaine à la plume bien aiguisée, Clotilde Marghieri partage avec ses lecteurs des savoureuses observations concernant sa vie dans la maison familiale située sur les pentes boisées du Vésuve.

De sa maison, Clotilde, lectrice impénitente et cultivée, peut admirer « les genets de Leopardi ». Ceux que le « poeta » chanta dans son poème La Ginestra. Leopardi est décédé « au-dessous du volcan » quelques années après avoir assisté à l’éruption du Vésuve. Cependant, l’activité préférée de l’auteure est l’observation du matériel humain à sa disposition.

Clotilde laisse mari et enfants en ville et se réfugie dans cette vieille Villa de famille dès les années Trente. Bien que peu éloigné de Naples, pour une citadine, ce lieu montre tout de go son côté exotique. Les rapports avec les autochtones sont souvent compliqués car entachés d’incompréhensions de tout genre. Les grains de sable, se glissent avec une facilité déconcertante dans les engrenages des rapports humains. In primis avec le personnel de maison, et tout particulièrement avec Timoteo, le « factotum » de la maison, parmi les protagonistes du livre.

Mais l’auteure ne se pose pas de limites dans le choix des sujets. Avec la précision d’une entomologiste, Clotilde Marghieri dissèque tout ce qui l’entoure : le paysage, les objets, les paysans du coin, les notables, les nombreux visiteurs. Les récits qu’elle nous en livre sont des petites perles littéraires. Si la narration ne bouge pas dans l’espace, sinon pour quelques petites escapades éphémères, elle se déplace dans le temps. On assiste donc à l’arrivée de l’électricité, de l’eau, du téléphone, de la télé et d’une certaine aisance.

La télévision avec laquelle l’auteure n’est pas tendre, opère peut-être la transformation la plus profonde et irréversible. Les journées rythmées auparavant par les phases naturelles dont on s’émerveillait en famille telles que les levers et les couchers de soleil et les phénomènes météorologiques, sont désormais cadencées par des émissions télévisuelles débiles. Quant à l’arrivée de la richesse parmi les paysans, elle a eu l’impact le plus visible sur le territoire, se manifestant par la construction de maisons  un peu toutes pareilles . « Elles sont là ces petites maisons (…) alignées l’une à côté de l’autre, toutes les mêmes, avec les mêmes cheminées, la même bande décorative rose, le même nombre de fenêtres ».

Vita in villa est une vraie déclaration d’amour de l’auteure à cette modeste propriété héritée de son père. Une demeure située à proximité de celle de son pauvre frère décédé en guerre. Une maison bâtie sur une menace sommeillante mais permanente. Comme toute histoire d’amour, le rapport avec le lieu se manifeste par des hauts et des bas : D’envolées lyriques et de sourds grognements, de plaisirs et de déceptions. Mais le plaisir de la lecture et l’émerveillement face au talent de l’auteure (et à celui de la traductrice) accompagne le lecteur jusqu’à la dernière page.

Informations pratiques
  • Clotilde Marghieri, L’Île du Vésuve, traduit de l'italien par Monique Baccelli, Arfuyen, 17 €