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Publié le lundi, 9 janvier 2023 à 09h40

Les lions en Hiver, roman de Stefania Auci

Par Riccardo Borghesi

Les lions en Hiver - couverture

Troisième et dernier tome de la saga des Florio, Les lions en Hiver raconte le déclin et la ruine de la plus importante famille d'entrepreneurs du XIXe siècle sicilien. Après nous avoir raconté dans les deux premiers volumes l'irrésistible ascension qui, à partir d'humbles origines marchandes, conduit les Florio à s'imposer comme la famille la plus puissante économiquement et la plus influente politiquement de Sicile, on retrace ici le processus inexorable d'effritement de l'une des plus grosses fortunes du tout jeune royaume d'Italie.

La fin des Florio est paradigmatique du caractère déraisonnable du principe d'héritage, qu'il soit appliqué au pouvoir politique ou économique. L'héritage du sang, lorsqu'il est associé à l'incompétence et à l'inexpérience des héritiers, conduit inévitablement au désastre. La dernière génération des Florio, appelée trop tôt à reprendre les rênes de l'empire familial, finit par le gérer avec un cocktail fatal fait de mauvais choix, de mauvais conseillers, d'imprudence, d'impétuosité, de mégalomanie, d'arrogance et de naïveté qui ne leur laisseront aucune issue.

L'incompétence dans les affaires est également associée à une incompétence assez surprenante dans les choses de la vie. L'existence des Florio s'apparente à une éternelle bacchanale, faite de fêtes, d'achats inconsidérés, d'amants, de bijoux, de voyages et de jeux d'argent, qui donne le vertige.

La dissipation inconsidéré et autodestructrice d'une telle fortune semble appeler la vengeance divine, qui ne tarde pas à arriver. Les maladies fauchent impitoyablement fils et futurs héritiers avec un acharnement féroce. Raconter l'histoire des Florio, faite de moments grandioses et de mesquineries, équivaut à raconter celle de la Sicile en général et de la ville de Palerme en particulier.

Ce qui impressionne à la lecture du livre d'Auci, c'est la richesse des détails, les descriptions méticuleuses des intérieurs, des mondanités, des toilettes et des bijoux des dames, du mode de vie de cette aristocratie marchande, méticulosité qui révèle une recherche historique et d'archives, longue et soignée.

Le soin apporté à la reproduction du mode de pensée hors du monde de cette classe aisée, élevée "hors sol" (presque en culture "hydroponique") est également frappant. Il n'y a ni condamnation ni condescendance dans le regard de l'auteur, qui sait s'effacer et laisser place aux personnages, libres de montrer leurs côtés positifs comme les plus horrifiants. Mais ce qui apparait évident aux yeux du lecteur, est le saut de qualité moral entre la génération des " bâtisseurs " et celle des " destructeurs " de la maison Florio, entre les pères et les "fils à papa", invariant tragique de l'histoire.

Enfin, en voyant revivre Palerme, ville européenne riche et vivante, destination des élites politiques et artistiques de l'époque, s'impose au lecteur le douloureux et tragique contraste avec la splendide ruine romantique à laquelle la ville est depuis longtemps réduite.

Informations pratiques
  • Stefania Auci, Les lions en Hiver, traduit de l'italien par Renaud Temperini, Albin Michel, 22,90 €