livres

Publié le mercredi, 5 juin 2024 à 11h16

Les jours de la peur de Loriano Macchiavelli. Les années politiques

Par Stefano Palombari

Les jours de la peur de Loriano Macchiavelli - couverture

Nous sommes dans les années 1970, à Bologne, où un attentat à la bombe fait plusieurs victimes. Aussitôt le chef de la police tente de faire porter le chapeau à des activistes de gauche.  Cependant, les vrais coupables sont ailleurs. La tentative échoue grâce à la persévérance et l’entêtement d’un homme : le sergent Sarti Antonio.

Lorsque paraît en librairie, en 1974 Les jours de la peur, le premier acte des Années de plomb, est très récent. Le 12 décembre 1969 une bombe explose piazza Fontana à Milan pendant un meeting syndical faisant 16 victimes. Les chargés d’enquête tentent tout de suite d’attribuer cet acte aux anarchistes. Le parallèle entre l’intrigue du roman de Macchiavelli et cet événement criminel est évident.

La première apparition littéraire de Sarti Antonio a donc 50 ans. Pour fêter cet anniversaire les éditions du Chemin de fer ont décidé de la republier dans une édition élégante et illustrée et la traduction particulièrement convaincante de Laurent Lombard.

La lecture de ce roman est une opération très intéressante à différents niveaux. Tout d’abord pour les qualités littéraires du livre qui sont remarquables. La ville de Bologne est un décor idéal pour cette intrigue politique, où une bourgeoisie riche et réactionnaire, très attachée à ses privilèges, côtoie, et souvent se heurte à des étudiants appartenant à la gauche extra-parlementaire.

Ceci dit, au-delà de l’enquête, ce petit livre est un plongeon dans les années 1970. Cinquante ans se sont écoulés et cette lecture nous fait prendre la mesure des changements survenus. Surtout en politique. La polarisation d’antan n’avait pas du tout les mêmes contours que celle d’aujourd’hui. A l’époque, dans une ville comme Bologne, où le parti communiste était très fort, comme d’ailleurs dans toute la partie centrale de la Péninsule, les frictions idéologiques avaient lieu entre les fidèles à la ligne du parti et des franges de la population beaucoup plus à gauche. Elles étaient composées principalement d’étudiants mais également d’ouvriers et d’intellectuels.

Ce livre marque l’acte de naissance de Sarti Antonio, héros touchant et politiquement incorrect, freiné par la colite mais porté par la passion de la vérité. C’est un personnage complexe et singulier, en mal d’amour. Il va jusqu’à apporter à l’un des gardés à vue, à qui il voue une forme de sympathie et de respect, des livres, disons plutôt « inconfortables », notamment pour un gardien de la paix. Bref, un policier bienveillant et humain qui ne pouvait que susciter l’affection des lecteurs. Pour tout passionné de livres, cette lecture se révèle un acte de pure gourmandise.

Informations pratiques
  • Loriano Macchiavelli, Les jours de la peur, traduit de l'italien par Laurent Lombard, Éditions du Chemin de fer, 19 €