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Publié le vendredi, 4 juin 2021 à 09h36

Le pont de Marreri, roman de Bachisio Zizi

Par Stefano Palombari

Le pont de Marreri - couverture

J’ai toujours trouvé que la littérature sarde avait quelque chose de particulier. Dans les pages des auteurs de cette île, le lecteur avisé perçoit des couleurs, des atmosphères et un rapport à la nature qui les rassemble. Mais aussi une violence latente, ancestrale sublimée par l’humeur changeant des éléments.

Le pont de Marreri de Bachisio Zizi est un concentré de « sardité ». On est en 1847, la Sardaigne est rattachée au Piémont de Carlo Alberto, pour devenir le royaume de Piémont-Sardaigne. Pour réaliser cette « parfaite fusion », le Conte de Viry, un émissaire du roi est envoyé en Sardaigne pour prendre le pouls de la situation. Ce qu’il voit l’étonne, le surprend, l’interloque.

Deux mondes inconciliables cohabitent. D’un côté, les bergers et les paysans pauvres et ignorants, de l’autre, les notables riches, raffinés et cultivés, emplâtrés dans leurs préjugés. Entre les deux, deux personnages s’affrontent : Don Arcangelo Satta, recteur de la basilique du village d’Orvine, et Alessio Biote, jeune intellectuel qui œuvre pour améliorer les conditions de vie des villageois.

Don Satta est un personnage à mi-chemin entre le prêtre et le parrain. Il veille au salut des âmes ainsi qu’aux intérêts des notables, dont il fait partie. Il s’octroie des droits qui le rendent plus proche du seigneur des terres que de celui des cieux. C’est le pilier d’un ordre social immuable.

Alessio est son exact opposé. Il trouve la situation de pauvreté extrême des bergers absolument intolérable. Il devient donc le paladin d’un changement radical mais, et c’est sa force, sans sortir du cadre légal. Son action pousse les bergers et les paysans du coin à se réunir dans une communauté « le Cumone » qui leur permet de rationaliser les dépenses et mieux négocier les prix avec les acquéreurs.

Le climat hostile de cette partie oubliée de l’île se chargera de remettre les choses en place. Leitmotiv de la littérature sarde, l’environnement est le deus ex machina qui finalement permet ou empêche le dénouement d’une histoire. Bachisio Zizi, auteur sarde décédé il y a sept ans, recrée cette symbiose indispensable entre les différentes composantes du biotope littéraire. La narration en est le reflet parfait : un chemin semé d’embûches. Ce qui rend la lecture une épreuve littérairement exaltante.

Informations pratiques
  • Bachisio Zizi, Le pont de Marreri, traduit de l'italien par Claude Schmitt et Françoise Lesueur, L'Harmattan, 24 €

Vous pouvez commander ce livre, en italien ou en français, sur le site de La LIbreria