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Publié le vendredi, 11 avril 2025 à 16h09

Le Duc de Matteo Melchiorre. Le passé dans le présent

Par Stefano Palombari

Le Duc de Matteo Melchiorre - couverture

Le Duc est un roman très original qui ne cesse de surprendre le lecteur. Les premières pages, celles où on s’aventure dans une nouvelle histoire et on cherche des repères pour se situer dans le temps et l’espace, m’ont fait penser à une intrigue située au Moyen âge ou à la Renaissance. Puis la présence de voitures, tronçonneuses et postes de télé ont démenti cette première impression. Le registre délicieusement désuet et érudit du roman, le vocabulaire ampoulé et complaisant du protagoniste, l’atmosphère aux tonalités sombres et mélancoliques nous font douter jusqu’à la dernière page.

Cette présence insolite et troublante de quelque chose de révolu dans la quotidienneté est une sensation qui anime et perturbe les réflexions du Duc. C’est une sorte d’obsession. Il passe ses journées enfermé dans son bureau à étudier l’histoire de sa famille. Ses archives remontent jusqu’au Moyen Âge. Les Cimamonte sont depuis la nuit des temps les seigneurs de Vallorgàna.

Le jeune Duc, dernier représentant de cette noble lignée, désormais orphelin, a décidé de quitter la grande ville de Berua pour s’installer dans la magnifique villa de famille sur les hauteurs de ce petit hameau de montagne. On l’appelle Le Duc bien qu’il soit, comme tous les autres membres défunts de sa famille, un Comte, degré le plus bas sur l’échelle de l’aristocratie. Ce titre pompeux est une sorte de raillerie consolidée depuis des générations, pour souligner la prétention et la suffisance qui les a toujours caractérisé.

Tiraillé entre le poids du passé et les défis du présent, Le Duc doit faire face à des résistances imprévues. Son pouvoir et ses droits sont contestés par Fastréda, un parvenu, qui, après son retour de l’Amérique du Sud où il avait émigré, est devenu une autorité locale reconnue. Il n’a pas eu besoin de sa lignée pour qu’on lui reconnaisse son rôle de pilier de la communauté.

Ses presque 500 pages ne doivent pas décourager. C’est un roman profond qui tient toutes ses promesses. Le casse-tête du Duc devient un problème philosophique qui appelle Nietzche à la rescousse. Dans sa Seconde Considération inactuelle, le philosophe allemand nous met en garde, « nous avons besoin de l’histoire pour vivre et pour agir, et non point pour nous détourner nonchalamment de la vie et de l’action, ou encore pour enjoliver la vie égoïste et l’action lâche et mauvaise ».

Informations pratiques
  • Matteo Melchiorre, Le Duc, traduit de l'italien par Anne Echenoz et Serge Quadruppani, Métailié, 23,50€