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Publié le jeudi, 6 septembre 2018 à 08h32

Le Blanc du roi, roman de Clemente Bicocchi

Par Riccardo Borghesi

Le blanc du roi - couverture

La première rencontre avec l'Afrique noire est l'une des expériences les plus fortes et les plus complexes auxquelles le voyageur occidental puisse être confronté.

Au choc initial, fait de sons, de lumières, d'odeurs et d'inconfort, suit le lent effritement de la barrière de lieux communs, faite de malentendus, de préjugés, d'un sentiment de supériorité et d'un regard compatissant. Lentement se fait chemin l'enthousiasme pour la primordialité retrouvée, pour la fraternité ancestrale et accueillante, pour l'appel de la nature première, hostile et grandiose, et inconsciemment familière. Également inexorable cependant, le désir de fuite finira par s'imposer, désir de rentrer chez soi pour retrouver le confort, les rythmes et les certitudes occidentales.

Enfin, après le retour, la montée implacable de la nostalgie s'en suivra, forte et inexplicable, phénomène connu sous le nom de "Mal d'Afrique". Dans le roman de Bicocchi, la première chose qu'on lit est précisément ce processus, familier à tous les coopérants et amateurs d'Afrique noire, revécu et raconté remarquablement. Ensuite, il y a le récit, colonne vertébrale du livre, paradigme amusant et angoissant de la façon dont les règles changent d'un continent à l'autre.

Enfin il y a l'histoire de Brazza, le seul blanc à avoir une place dans le Panthéon des héros Africains. Pietro Savorgnan de Brazza, le grand explorateur humaniste italien de naissance et français d'adoption, gagna cette reconnaissance par sa manière d'aborder l'Afrique, basée sur le dialogue et l'intégration, antithèse du modèle colonialiste violent et prédateur du XIXe siècle.

En dépit d'une forme plus diaristique que littéraire, typique de nombreux romans italiens ces dernières années, celui de Bicocchi est vraiment un beau roman, amusant et sincère. La description des personnages est très efficace et vivante, de l'ambassadeur d'Italie et de sa dame jusqu'au dernier des vendeurs de rue.

Mais son plus grand mérite est précisément l'honnêteté du récit, qui ne cache jamais le préjugé, la peur, la dépaysement du personnage au regard d'un monde aux règles incompréhensibles pour lui. De même, il ne cache pas non plus son enthousiasme de "mundele", parfois naïf et superficiel, pour une humanité dont l'essence peut être révélée davantage avec le sentiment qu'avec la raison.

Informations pratiques

Le Blanc du roi de Clemente Bicocchi, Liana Levi, 19 €
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