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Publié le lundi, 13 novembre 2023 à 10h36

Le baron de Santafusca et le curé de Naples de Emilio de Marchi. Impénétrables voies du Seigneur

Par Murielle Hervé-Morier

Le baron de Santafusca et le curé de Naples de Emilio de Marchi - couverture

L’action se passe à la fin du XIXe dans le décor d’une Naples populeuse et grouillante. Terre de contrastes également où deux mondes coexistent : d’un côté les plus pauvres, de l’autre les nantis de la bonne société qui se situent aux antipodes des préoccupations des premiers. Naples, la volcanique, est aussi une terre de croyances où religion et superstition se côtoient allégrement.

Or, le baron Charles-Coriolan de Santafusca, personnage haut en couleur, pétri de darwinisme, ne croit ni à Dieu, ni à diable. L’individu est aussi le dernier rejeton d’une noblesse déclinante dont le train de vie oisif et libertin l’a progressivement mené à la ruine. Endetté jusqu’au cou, il n’entrevoit l’éclaircie au bout de la nuit qu’en commettant un acte irréparable. Pour se sortir du pétrin, il n’hésitera pas en effet à envoyer ad patres don Cyrille, prêtre avare et roublard, enrichi grâce à l’usure.

D’abord dénué de tout sens moral, notre baron va bientôt connaître les affres du remords et de la culpabilité. Avec un soupçon de doute métaphysique aussi. « Bien qu’un homme ait la valeur d’un lézard, il aurait eu répugnance à faire souffrir un homme vivant. On ne peut pas avoir peur des spectres, mais il est des pensées qui font plus peur que les spectres. Pense, voilà le châtiment ! »

Toutefois la prise de conscience du baron de Santafusca ne se fera pas par l’opération du Saint-Esprit mais par l’intercession d’un chapeau. Le chapeau de la victime qui s’obstine à réapparaître mystérieusement pour démontrer que le crime parfait n’existe pas. De quoi en effet travailler du chapeau… Dans ses délires, le baron, progressivement rongé de scrupules, ira jusqu’à envier le menu peuple qui se contente des plaisirs simples de la vie !

À ce propos, Bernard Quiriny, l’auteur de la préface, fait un distinguo entre « roman policier » et « roman judiciaire » ; tandis que le roman policier est centré sur la recherche de l’assassin, le roman judiciaire révèle d’emblée son identité mais étudie son comportement après son crime. Quoi qu’il en soit, au-delà des Alpes, le roman de Emilio de Marchi (1851 – 1901) Il cappello del prete est considéré comme le premier polar italien (giallo). Ce qui fait de Emilio de Marchi un pionnier et lui vaudra par ricochet d’être anachroniquement comparé à un autre maître du genre, le Belge Georges Simenon.

Ainsi, au fil d’une prose qui emprunte au vérisme et au naturalisme, le tour de force de l’auteur consiste à analyser avec finesse et drôlerie un lent cheminement psychologique jusqu’au dénouement qu’on ne devinera pas forcément.

Informations pratiques
  • Emilio de Marchi, Le baron de Santafusca et le curé de Naples (Il cappello del prete), traduit de l’italien par H. Declermont et Joséphine Antoine, avec une préface de Bernard Quiriny, Éditions L’Orma, 18 €