Publié le mercredi, 13 avril 2016 à 16h21
La Prime Lumière de Emanuele Tonon
Ceci n’est pas un roman, ni un récit, ni une confession. Dans ces pages il n’y a ni fiction, ni mise en scène.
Ceci est un cri de douleur, une explosion de colère désespérée. C’est une prière blasphématoire adressée à un Dieu qui a trahi et déçu. C’est un déchirement des chairs, mises à nu et exposées à la vue du monde. C’est une glorification douloureuse d’une mère vouée au sacrifice, à la dissipation de sa propre vie afin de porter un peu de lumière dans un monde terrible et sans pitié.
Tonon nous raconte les jours de la mort de sa mère. Il nous raconte la vie malheureuse d’une fille-mère en guerre contre un monde archaïque et inexorable, pour protéger ses créatures. Il nous raconte son malaise, son inadéquation au monde. En vérité il ne raconte pas, il crie, il pleure, il rêve de noirs cauchemars, il souffre et il noie le tout dans un océan de tendresse et de regrets.
« La prime lumière » est un livre d’une violence rare, et d’une grande poésie. Mais c'est aussi un livre qui trouble, dont la lecture laisse un sentiment d’embarras, d’inquiétude, de malaise.
Ceux qui ont vu « Berlinguer ti voglio bene », un des films les plus poétiques et désespérés du cinéma italien, se souviendront de la scène dans laquelle un jeune Benigni, prévenu par plaisanterie de la mort soudaine de sa mère, rentre à la maison en débitant une longue, infinie, vertigineuse litanie de blasphèmes et de jurons.
J’ai retrouvé ici la même nécessité d’excès pour pouvoir évacuer une douleur trop grande à garder pour soi, mais également trop grande à partager avec les autres.