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Publié le mardi, 28 juin 2011 à 09h00

La mère est l'avenir de l’homme

Par Stefano Palombari

Quels sont les ravages que peut causer une mère un peu frivole dans la vie d’un garçon ? Le personnage de Bruno, incarné superbement par un Valerio Mastandrea aux accents insolites, en devient, malgré lui, l’emblème. La prima cosa bella, film qui emprunte son titre à une chanson des années 60, est un film profond et audacieux qui met en lumière plusieurs dynamiques familiales.

Il est vrai que ces derniers temps les mamme italiennes sont souvent épinglées par les cinéastes. Gianni Di Gregorio offre un portrait au vitriol de la typique maman romaine étouffante et profondément égoïste. Si la maman toscane de Paolo Virzi s’en détache dans la forme, le résultat est le même : un profond malaise existentiel de la part du fils.

L’intrigue du film est « une sorte de collage de différents morceaux de vie vécue. Certains sont carrément autobiographiques », m’explique le réalisateur de passage à Paris pour la promotion de son film, « dont le concours de beauté, qui ouvre le film, à la station balnéaire Pancaldi auquel j’ai vraiment assisté à 7 ans (…) C’est une citation philologique, l’élection de la Miss Bagni Pancaldi, qui avait lieu chaque année, pendant laquelle on élisait aussi la maman Pancaldi sélectionnée dans le public. Tellement philologique que pour réaliser cette scène on s’est basé sur mon album de famille ».

Le rôle de la maman que joue Micaela Ramazzotti (années 70 et 80) et Stefania Sandrelli (de nos jours) n’est pas totalement négatif. Elle est « à la fois frivole et téméraire mais aussi confiante et joyeuse. (…) Parmi les éléments d’inspiration il y a certainement les poèmes de Giorgio Caproni, immense poète de Livourne, qui a dédié l’une de ses compositions à Livourne et à sa mère, Anna, comme la protagoniste de mon film. » Livorno è l’infanzia e Annina, mia madre, (Livourne est l’enfance et Annina, ma mère) déclamait Caproni « exilé » à Rome. Bruno, quant à lui, a pris la route du nord et s’est installé à Milan, pour échapper à Livourne et à Anna.

Mais le passé, la plupart du temps, ne passe pas et nous rattrape où que nous soyons. C’est ainsi que Bruno est contraint, par l’action directe de sa petite sœur mais surtout par celle indirecte d’une sorte de destin auquel on ne peut que se plier, de rebrousser chemin. Il est contraint donc de retourner à Livourne, ville dans laquelle Paolo Virzi est né et a tourné quatre films. « Mon rapport avec cette ville est très conflictuel, certainement pas nostalgique. Je suis de Livourne, c’est une ville particulière, source importante d’inspiration pour moi, mais que je déteste pour beaucoup de raisons. Une ville pleine de contradictions, elle est en Toscane sans être touristique, une ville ouvrière enveloppée dans les fumées des cheminées des usines. Une ville de fierté ouvrière. »

Mère et ville-mère se confondent dans ce parcours de reconstruction qu’entreprend Bruno dans son voyage. Un homme fragile, comme beaucoup d’autres que l’on rencontre dans ce beau film, bien loin des images stéréotypées que nous renvoie l’actualité. Des enfants contraints de grandir trop vite et de renoncer à l’insouciance de leur âge. Le destin de Bruno au début de sa vie et à la fin de celle d’Anna, c’est d’être le père absent de sa sœur et avec un soupçon d’inceste, le mari de sa mère.

Le petit Giacomo Bibbiani, époustouflant dans le rôle de Bruno enfant
critique du film La prima cosa bella