Publié le vendredi, 31 août 2018 à 09h26
La Massaia, roman de Paola Masino
La Massaia, naissance et mort de la fée au foyer, est un livre singulier et déroutant. Tout y est raison d’étonnement : son âge, ses propos, sa forme, son histoire ainsi que l’histoire de celle qui l’a écrit. Massaia est un terme italien désuet qui veut dire ménagère. Aujourd’hui on dirait casalinga. N’oublions pas que le roman a été écrit pendant le « ventennio », l’époque fasciste, une époque où la massaia, son rôle de fée du foyer génitrice et maîtresse de maison, avait la cote auprès du régime qui avait même créé les massaie rurali, association de femmes au foyer de la campagne. Un roman d’une modernité sidérante conçu à une époque de régression sociale et politique.
Dans le roman, qui avait subi quelques ablations lors du projet de publication à l’époque fasciste, la massaia se fait nom propre. L’héroïne du roman délaisse toute autre velléité pour devenir « La Massaia », sans autre nom, ni aspiration. Vouée à la tâche, corps et âme... sauf que cela ne se passe pas comme le prétendait la propagande (qui survécut à la chute du fascisme). Bien qu’elle fût une massaia aisée, avec un mari très prévenant et affectueux, quoique plutôt âgé, admirablement épaulée par une armée de domestiques… l’aliénation provoquée par la frustration d’une vie bridée ne peut qu’avoir le dessus.
La perspective d’une journée à s’occuper de la maison n’incitait pas à l’allégresse. « L’aube est l’heure des exécutions capitales. La Massaia qui se sentait aussi peu attirée par le jour naissant qu’un condamné mené à l’échafaud, ne pouvait s’empêcher de songer à ces lieux blêmes où se commettent tant de violences : les cours de prison, les cimetières, les places publiques ou les geôles. »
Paola Masino, femme libre et moderne, fut la compagne de l’écrivain Massimo Bontempelli qui était déjà marié, séparé, ainsi que de trente ans son aîné. Son roman ne vit jamais la lumière à l’époque fasciste, bien qu’elle eut accepté toutes les modifications imposées par le régime à son éditeur. Une sorte de malédiction hantait son manuscrit. Lorsqu’il arriva enfin en imprimerie une bombe détruisit le bâtiment ainsi que toute trace du roman. L’auteure dut pratiquement réécrire son roman, sur la base de quelques notes et de ses souvenirs pour le voir enfin publié en 1945, une fois la guerre terminée et le régime fasciste tombé.