Publié le jeudi, 4 août 2022 à 10h10
La Maligredi, roman de Gioacchino Criaco
Voici un livre qui va à contre-courant des misères de l'écriture créative. Un livre à la poétique singulière et affirmée, ancrée à la terre, au vécu, à la dure réalité de la région, peut-être la moins fortunée du sud de l'Italie, la Calabre.
Un livre qui oscille entre légende et histoire, dans le temps comme dans les personnages. Un livre animé par les pulsions des hommes mais aussi et surtout par le souffle de la nature. Ici les actions humaines semblent presque ancrées dans la nécessité du cycle des saisons.
Le récit accélère dans l'action du présent pour ralentir jusqu'à l'immobilité hors temps du mythe. Le langue qui l'anime suit le même processus sinueux et passe d'un langage brusque et d'action à un langage plus poétique qui suivant les chemins du rêve, se détache du sol pour regarder la vie misérable des personnages avec le regard des divinités de la nature. Les rêves, d'ailleurs, s'immiscent dans le récit, sans qu'on puisse toujours les distinguer de la réalité.
Il est dommage qu'inévitablement dans la traduction se perde la couleur des dialectes et des langages de chaque caste (car il s'agit bien de castes) : les affranchis - les 'ndranghetistes - les pauvres et les seigneurs. Mais la richesse du texte est telle que la lecture n'en souffre pas.
La Maligredi est un livre politique, lyrique, anthropologique, mais aussi une autobiographie, un livre de formation, une fable, un cri de colère et de douleur. Douleur et colère du fils de ces terres malheureuses, tenues par la violence à l'écart de l'histoire et des droits de la modernité, et auquel il ne reste que la consolation de la solidarité humaine et de la pitié cathartique de la nature
Informations pratiques
- Gioacchino Criaco, La Maligredi, traduit de l'italien par Serge Quadruppani, 23 €
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