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Publié le vendredi, 21 mai 2010 à 12h54

La Bocca del Lupo, un film de Pietro Marcello

Par Stefano Palombari

Enzo a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux d’une prison. Multirécidiviste, le gangster Sicilien y a pourtant trouvé l’amour, et une forme de salut, grâce à la poésie. C’est son portrait que dessine Pietro Marcello, restitué par bribes, comme autant de morceaux d’une vie brisée, et celui de cette population marginale des quartiers Génois de Croce Bianca, Via Prè, Sottoripa, dédale de ruelles coupe-gorge. C’est aussi le récit d’une histoire d’amour hors du commun, nourrie de la longue attente d’un paradis simple où l’on peut enfin vivre ses moments perdus.

Voici comme le réalisateur Pietro Marcello parle de la genèse de son film de son rapport à la ville de Gênes et des ses deux protagonistes Enzo et Mary :

Le film est né d’une commande de la Fondation Jésuite San Marcellino de Gênes, des gens sérieux qui depuis des années assistent de diverses manières la communauté des sans abris, marginaux, vagabonds et indigents de la ville. Sans elle, jamais l’idée ne m’aurait effleuré de faire un film à Gênes. Je n’y étais pas arrivé à Naples où j’ai de nombreuses fois essayé de raconter un lieu qui a été très important pour moi, alors j’imaginais encore moins le faire dans un territoire que je ne connaissais absolument pas. Mais j’ai cédé à l’élan d’élaborer et de développer un projet, d’agir.

L’intention n’était pas de raconter l’activité de la Fondation mais plutôt le monde à qui elle s’adresse, et la ville. J’ai disposé d’une ample liberté d’action et je ne crois pas que j’aurais été capable de me laisser diriger ou de faire quelque chose qui ne corresponde pas à mes intentions ou à ma vision du monde.

Je me souviens des récits de mon père, marin pendant de nombreuses années, qui embarquait sur le ponte dei Mille ; durant toute sa jeunesse Gênes a incarné pour lui la ville idéale. Il me parlait toujours de sa beauté, de sa vieille ville très animée, du ciel et de ses couleurs.

J’ai connu une autre Gênes, une ville du nord qui regarde le sud, serrée entre la mer et la montagne, la campagne et les ports, la désindustrialisation et la modernité tertiaire. Sa population est son histoire, les ombres des lieux disparus et les échos des mémoires perdues sont les restes visibles du passé. Aujourd’hui cette ville n’offre plus de départs pour les Amériques, ni du travail comme par le passé.

Et puis, il y a eu les événements survenus en 2001, lorsque le chef lieu de la Ligurie a été le théâtre de violences et de répressions qui ont changé la vie politique de notre pays...

La rencontre avec Enzo et Mary. C’est arrivé devant la boulangerie d’un vieux monsieur de la région des Pouilles. C’est ici que j’ai vu Enzo pour la première fois et j’ai tout de suite compris que son visage exprimait le cinéma que je souhaitais faire. J’ai toujours pensé qu’on ne juge pas un acteur par ses capacités techniques, mais surtout par l’histoire que son visage raconte. Enzo n’est pas un acteur, mais il aurait pu l’être. Il m’a tout de suite montré les marques des coups qu’il avait reçus, les balles qui sont restées dans ses jambes et qui proviennent de sa dernière rixe avec deux policiers.

Le boulanger m’a parlé de ce quinquagénaire sicilien, connu aussi comme “ Enzo le Roc ” et “ Enzo Moustache ”, survivant d’un sous-prolétariat aujourd’hui disparu, qui a grandi depuis l’âge de deux ans dans la rue Prè, et qui était le fils d’un personnage de la vieille Gênes, le vendeur de rue Pippo (“ briquets, cigarettes, gadgets, grenades ! ”). Il m’a aussi parlé de Mary, si différente de lui, réservée, gentille et instruite.

Je l’ai rencontrée plus tard, car au début elle m’évitait. Mais avec le temps, petit à petit, une amitié est née et elle a eu confiance en nous. Mary a grandi dans une famille romaine aisée, elle a eu une éducation bourgeoise et une enfance heureuse jusqu’à ce qu’elle découvre une sexualité qui s’est manifestée très tôt.

Sa famille, qui n’a pas accepté sa différence et a eu honte de ses premiers travestissements, l’a réprimée jusqu’à ce qu’à 17 ans, elle s’enfuie de chez elle et prenne le train pour Gênes, où il existait déjà dans les années 70 une petite communauté de transsexuels.

Notre critique

Informations pratiques
Dans les salles (voir ci-dessous)
Dates : à partir du 23 juin 2010
PARIS : REFLET MEDICIS MK2 BEAUBOURG 7 PARNASSIENS
LYON : COMEDIA
DIJON : DEVOSGE
TOULOUSE : ABC
CAEN : LUX
MORLAY : SALAMANDRE
RENNES : CINE TNB
GRENOBLE : CLUB

jeu-concours des places à gagner (terminé) réservé aux abonnés à notre lettre

bande annonce :
Affiche du film La Bocca del Lupo
Dans les salles, à partir du 23 juin 2010 jeu-concours (terminé)