Publié le mercredi, 27 janvier 2021 à 10h15
L'imposture du marronnier, roman de Mariano Sabatini
À bien y penser, Rome est un symbole de malversations et de corruption depuis l'époque de Luther. Et par la suite, elle n'a pas pu se défaire de ce rôle à la fois mérité et injuste. Pensons par exemple à la Rome de Pie IX -dernier obstacle à l'unification d'Italie- symbole du pouvoir illibéral et rétrograde du pré-Risorgimento, à "Roma Ladrona" de la Ligue du Nord, à la Rome de "Mafia Capitale" de ces dernières années.
De ce fait, et tout naturellement, elle est devenue l'un des cadres idéaux des histoires de débauche et de décadence pour de nombreux écrivains et réalisateurs.
Sabatini s'inscrit dans ce mouvement, précédé entre-autres par De Cataldo avec "Romanzo criminale" et "Suburra". Il le fait pour nous raconter une histoire de terribles violences publiques et privées, où la dépravation ambiante finit par déteindre sur l'intimité des personnages, contaminant leurs liens filiaux, conjugaux et amicaux.
L'histoire dont je ne vous donne pas les détails pour des raisons évidentes, nous est racontée par un personnage singulier, à mi-chemin entre un James Bond et le gentil camarade de classe.
Leo Malinverno est un journaliste à succès qui écrit dans l'un des journaux les plus lus de la capitale. Dongiovanni mais avec tact et respect, homme cultivé et "bon vivant", il se délecte de cuisine (comme désormais une longue liste de détectives à partir de Pepe Carvallo), beau, intelligent, généreux et sympathique et bien meilleur investigateur que les policiers avec qui il collabore. Vue la redondance de qualités superlatives, il semble presque que Mariano Sabatini ait voulu redorer le blason de la catégorie à laquelle lui-même appartient.
En dehors de cela, l'histoire est bien écrite, avec une plume agile et rigoureuse et un style amusant et plein d'entrain.Le rythme soutenu des événements s'entremêle à des descriptions de la ville éternelle, de sa décadence et de ses problèmes ataviques, ainsi qu'à des moments d'introspection souvent efficaces et pleins de nostalgie (je pense ici à l'escapade de Noël entre amis dans le petit village du grand-père, niché dans les neiges des montagnes et dans les souvenirs d'enfance).
Une Rome envahie par les eaux, mélange de pluies torrentielles et de refoulements d'égouts bouchés (peut-être tiré du Pecoraro de "la vie en temps de paix"), sert de toile de fond à des événements qui lient étroitement la haute bourgeoisie et le monde de la pègre. Cet entrelacement malsain et grotesque finit par rappeler (l'auteur lui-même le mentionne) le monde répugnant et monstrueux raconté par Dagospia.
Mais même dans les eaux d'égout, semble nous dire l’auteur, il y a espoir et les riches rejetons souffrant le manque d'amour maternel, pourront sortir, grâce à Malinverno, de leur enfer intérieur et filer à toute vitesse vers un avenir meilleur dans leurs voitures de luxe.
Informations pratiques
Mariano Sabatini, L'imposture du marronnier, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli, Actes-Sud, 22,80 €
Vous pouvez commander ce livre, en italien ou en français, sur le site de La LIbreria