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Publié le jeudi, 6 mai 2010 à 14h54

L'Italie en jaune et noir, le succès du « noir » italien

Par Stefano Palombari

Cette publication, qui couche sur papier les contributions des différents intervenants au colloque homonyme organisé voilà un an et demi à la Maison de l'Italie et à l'université Paris 3, est la tentative la plus complète et aboutie d'analyser le phénomène de la nouvelle littérature italienne « de genre ». La littérature policière (jaune comme on l'appelle en Italie) ou noire a une place de plus en plus importante dans le panorama des nouvelles publications en Italie et le « noir italien » s'exporte aussi très bien. Cet ouvrage, dirigé par Maria Pia De Paulis-Dalembert, analyse ce phénomène sous différents angles.

Tout d'abord il est clair que le « noir » actuel est un genre hybride. Rien à voir avec les polars d'antan. Les écrivains d'aujourd'hui s'amusent à faire sauter les codes du genre. Carlo Lucarelli, l'un des auteurs de noir les plus importants, qui était présent au colloque, aime se définir un écrivain du mystère. Et c'est justement sur ce point, d'après lui, que naissent les incompréhensions avec certains critiques littéraires. En répondant aux réserves de Luigi Bernardi, Lucarelli fait remarquer qu'à la base il s'agit d'une erreur d'appréciation, très répandue dans la presse italienne. C'est l'outil qui n'est plus idoine. Il est stupide de juger les romans de nos jours sur la base des codes du polar traditionnel.

Parmi les différentes contributions, deux sont consacrées à Gomorra de Roberto Saviano qui est un cas éditorial très intéressant pour plusieurs aspects. Un livre hybride à mi chemin entre littérature et document, une non fiction novel qui unit la force objective des éléments réels avec la puissance du témoignage. Par ailleurs, ce genre de pratique est utilisée par d'autres écrivains avec moins de retentissement.

Mais le réel est bien présent de façon directe ou indirecte dans presque tous les nouveaux romans « noirs » italiens. L'histoire récente influence, à des degrés différents, toute la production des jeunes auteurs italiens. Deux exemples particulièrement frappants : les événements de Gênes en 2001 et la période des années de plomb et ses mystères.

Le texte de Sarah Amrani sur l'impact que les violences policières de 2001 ont eu sur les auteurs de polars est remarquable. L'image du policier qui est souvent (mais pas toujours) le protagoniste des romans noirs change après cet événement dramatique. Camilleri, Carlotto, Dazieri et Tassinari poussent leurs héros à prendre position de façon claire. Camilleri s'exprime aussi directement dans le magazine MicroMega. Leurs héros n'ont rien à voir avec les autres policiers, ceux qui on pu commettre les actes barbares de Gênes.

Quant aux années de plomb, le rapport est en général plus oblique. Plus que la violence des terroristes, c'est le « mystère » concernant un certain nombre d'attentats de 1969 à 1980 qui interpelle les écrivains. Des attentats qui pour la plupart n'ont pas de coupables « officiels ». D'autres auteurs n'hésitent pas à aborder directement le thème de la place des anciens terroristes dans la société actuelle.

Parmi les autres thèmes traités par cet ouvrage très riche : L'écriture collective (l'expérience de Wu Ming), les caractéristiques des « héros » tels que Antonio Sarti (Loriano Macchiavelli), le commissaire De Luca (Carlo Lucarelli) et Salvo Montalbano (Andrea Camilleri), notamment par rapport aux premiers personnages de la tradition du polar américain Sam Spade et Philip Marlowe, le rapport avec les films, les séries télé et le théâtre (Paravidino) et puis pour conclure l'intérêt croissant des éditeurs français pour le « noir » italien. Une dernière remarque concerne le bilinguisme de cette publication, des citations ainsi que d'entières contributions sont en langue italienne sans traduction.

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Informations pratiques
L'Italie en jaune et noir
Éditeur : Presse Sorbonne nouvelle
Prix : 20 €
Parution : mars 2010

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L'Italie en jaune et noir - Couverture
Presse Sorbonne nouvelle, mars 2010, 20 €