Publié le mardi, 11 mars 2025 à 09h44
Emanuele Trevi, La maison du magicien. Genius loci

Les pères sont souvent une source d’étonnement et de mystère pour leurs enfants. Mario Trevi, psychanalyste jungien, l’est à plusieurs titres. « Tu sais comment il est ton père » c’était le refrain de la maman d’Emanuele, lorsqu’elle parlait de son mari. Justement, non. Il ne le savait pas. Et depuis, le jeune garçon, devenu adulte, tente de répondre à cette question implicite.
Le portrait délicat et touchant qu’en trace son fils dans La maison du magicien, est une tentative de percer ce mystère. Mario était un personnage hors du temps et de l’espace qui n’a jamais su négocier avec la réalité contingente. Il se montrait toujours désarmé face aux contraintes du monde matériel. En tant que père, enseignant, citoyen… La psychanalyse était une sorte de refuge, un monde qu’il pouvait maîtriser, au sens propre du terme.
Mario Trevi était une autorité reconnue dans son domaine. Un disciple turbulent du grand maître suisse. Au point qu’il n’hésitait pas à le critiquer violemment. À la disparition de son père, Emanuele, poussé par une sorte d’instinct irrationnel, décide d’aller vivre dans son appartement dans le quartier cossu des Parioli. Un appartement qu‘il avait tenté en vain de vendre. Un sort, peut-être, l’en avait empêché. Les rares visiteurs ne donnaient pas suite.
Dans un tiroir du bureau de Mario, Emanuele retrouve un exemplaire de Métamorphoses de l’âme et ses symboles, où son géniteur ne s’était pas gêné à postiller au crayon des passages et parfois des paragraphes entiers avec des commentaires parfois caustiques. La vie dans l’appartement paternel est émaillé d’incidents anodins autant que mystérieux : des objets disparaissent, d’autres apparaissent, des traces de visites nocturnes… Le magie ne s’est pas éteinte avec le magicien.
La Maison du magicien est un petit chef-d’œuvre dans le sillon des autres textes de l’auteur romain. Un livre envoûtant autant que les personnages, fictifs ou réels, présents ou absents, qui le traversent (la Dégénérée, Paradisa, Miss Miller, le Dr. Berhard…). Tous très vivants dans leur humaine imperfection. Un enchantement littéraire qui oblige le lecteur à tourner les pages pour ne pas sortir du sortilège et continuer à s’abreuver de la prose élégante et raffinée d’Emanuele Trevi.
Informations pratiques
- Emanuele Trevi, La maison du magicien, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Philippe Rey, 20€