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Publié le mardi, 3 mai 2016 à 10h24

Deux idées de bonheur, Carlo Petrini et Luis Sepúlveda

Par Stefano Palombari

Deux idées de bonheur - couverture

Qu'ont-ils en commun l'écrivain chilien Louis Sepúlveda et le créateur de Slow Food Carlo Petrini ? Beaucoup plus de ce que l'on pourrait imaginer. Leur idée de bonheur et, plus en général, leur vision du monde n'est pas très éloignée.

Loin de la rhétorique libérale de la valeur « travail », les deux hommes dépoussièrent des concepts comme le partage, la dignité humaine, l'éducation… idées un peu négligées ces derniers temps lorsque des actualités plus spectaculaires poussent au deuxième plan la souffrance de millions de personnes et la réussite de quelques petits pays oubliés de l'Amérique latine, comme l'Uruguay.

Leurs digressions sur la gastronomie les conduisent à aborder l'idée de bonheur. Oui car manger ne correspond pas, ou pas uniquement, à se nourrir. Le moment où on s'assoit à table est un moment particulier, privilégié. Les familles se retrouvent. On raconte sa propre journée. C'est un moment très littéraire, prétend Sepúlveda, car l'action de raconter n'est jamais objective. Ce sont toujours des récits romanesques.

Naturellement les deux hommes fustigent la production industrielle. La mainmise des grandes entreprises de l'agroalimentaire sur l'économie rurale de pays entiers par le bais des brevets sur les semences. Et, par conséquent, la disparition d'espèces que Slow Food contribue à sauver et à réintroduire. En même temps, ils ne se privent pas de critiquer la tendance opposée. Les produits destinés à une petite, minuscule, portion de la population.

La vraie gastronomie est celle des acteurs silencieux. Nous ne sommes pas du tout dans le registre de la cuisine spectacle à laquelle on assiste ces derniers temps, où le plus souvent, la forme prime sur la substance. Quand ces deux grands esprits parlent de nourriture, ils ne font bien sûr pas référence aux nouvelles stars des fourneaux. Ils se sentent totalement étrangers à cette déferlante de la gastronomie spectacle, « ludique-élitiste-hédoniste », avec son lot de discours oisifs recouverts d'une froide peinture de glamour.

Carlo Petrini précise que l'histoire et la tradition de la gastronomie n'ont rien à voir avec « les plats inventés par les chefs » mais ce sont des générations de femmes qui y ont contribué. Des femmes qui silencieusement et humblement « ont rassasié l'humanité en inventant des plats faits avec le peu dont elles disposaient ». « La grande gastronomie naît dans les maisons paysannes » précise Petrini. Une grande vérité qu'on a tendance à oublier.

Informations pratiques

Deux idées de bonheur, Carlo Petrini et Luis Sepúlveda, Métailié, 16 €
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