Demain et pour toujours de Ermal Meta

Par Riccardo Borghesi

L'Albanie est l'un des pays les moins connus d'Europe, ne s'étant imposé que récemment comme destination touristique. Mais d'un tourisme tout sauf élitiste, en quête de lieux bon marché. Les Italiens y affluent donc en masse pendant les mois d'été, la Croatie ayant atteint elle aussi des prix inabordables. Deuxième invasion italienne du "Pays des Aigles", après celle très malheureuse du régime fasciste.

Pourtant cette terre rude, ancestrale et fascinante, mériterait bien plus. L'Albanie est un pays avec lequel l'histoire n'a jamais été généreuse. Invasions, guerres et l'une des dictatures les plus dures, les plus absurdes et les plus durables de l'Europe communiste.

Il suffit de penser que jusqu'aux années 90, le dernier guide touristique de l'Albanie était celui publié par le Touring Club Italien en 1940, juste après l'invasion italienne. Puis l'Albanie a disparu des cartes géographiques pendant 50 ans.

Lorsque le régime communiste s'est effondré, s’est produit l'un des exodes majeurs du XXe siècle. Dans la mémoire de chacun, il y a les images des navires remplis d'exilés, partis pour l'Italie. Depuis lors, l'immigration albanaise dans ce pays est l'une des plus nombreuses et des plus fécondes. Cela pour dire que ces deux états sont étroitement liées, pour le meilleur ou pour le pire, depuis de nombreuses années. Ermal Meta vient de là, de cette diaspora. Arrivé en Italie à l'âge de 13 ans, il est devenu italien à part entière, au point d'écrire l'histoire de son pays d'origine, dans la langue de son pays d'adoption.

Meta, qui est un auteur-compositeur-interprète reconnu, s'est essayé à la littérature -avec succès- peut-être pour toucher un public différent de celui de ses chansons. "Demain et pour toujours" est un roman monumental, épique et passionnant, qui nous raconte justement l'histoire de l'Albanie et de son peuple, de la Seconde Guerre mondiale à la fin du régime communiste. Kajan, le personnage principal, autour duquel se déroulent les événements racontés, est à la fois témoin et victime d'immenses tragédies. Comme s'il devait expier le don de la nature qui fera de lui le plus grand pianiste de l'Albanie communiste, il subira des malheurs indicibles auxquels il parviendra toujours à survivre, mais au prix de blessures inguérissables.

La précise reconstitution de la guerre partisane, de la chape de plomb du régime communiste, de la diaspora albanaise aux États-Unis, mais aussi de Berlin de l'après-mur, nous parle de recherches historiques minutieuses, et également de récits familiaux hérités, bagage le plus précieux pour les migrants. Des récits qu'il a voulu fixer dans les pages de ce livre, comme un hommage à la terre de ses ancêtres, comme un don à la terre qui l'a accueilli.