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Publié le jeudi, 13 février 2020 à 09h46

De rien ni de personne, roman de Dario Levantino

Par Stefano Palombari

De rien ni de personne - couverture

Iu un mi scantu di nenti e di nuddu, « je n’ai peur de rien ni de personne », voici la devise de Rosario qui, tel un Mantra palermitain, la répète à longueur de journée. La peur est de mise lorsqu’on habite à Brancaccio, quartier malfamé dans la banlieue de Palerme. C’est pour cela que les héros de la mythologie grecque, ancêtres des héros Marvel, fascinent Rosario. Eux, ils ne connaissent pas la peur !

Fils unique, Rosario vit avec une mère aux velléités couturières, tuant le temps à tricoter des pulls dans l’indifférence générale, et son père gérant sans scrupule un gymnase très peu regardant sur l’origine et la nocivité des produits qui y circulent. Son prénom a été le fruit d’une longue négociation remportée sur le fil par la mère. Le père, désirant un prénom aux consonances (à son oreille) plus modernes, avait choisit Jonathan. La mère, voulant honorer la mémoire de son père disparu sous les décombres de sa maison lors du tremblement du Belice en 1968, insistait pour Rosario.

Élève brillant, Rosario a choisi un lycée « éloigné de la maison, en plein centre historique de la Palerme dorée. » Un long trajet en bus 224 lui permet de rejoindre l’école où ses camarades de classe l’ignorent. Son quartier est une tache indélébile. Il n’est pas non plus à l’aise à Brancaccio car, bien que né là-bas, il n’a jamais pu se faire à la brutalité qui y règne.

L’entre-deux est le destin du héros de ce roman. Une position inconfortable. Tout d’abord, Rosario est coincé entre deux espaces antinomiques, qui le repoussent : Son quartier pauvre et délabré d’un côté et ses riches camarades d’école de l’autre. Par son âge, 15 ans, Rosario nage entre deux mondes : Celui des enfants à qui il n’appartient plus et celui des adultes à qui il n’appartient pas encore. Même le sang lui crée quelques soucis. D’un côté, sa nature rêveuse, son esprit volage et romantique, de l’autre son grand-père maternel qui lui a laissé en héritage son prénom ainsi qu’une étonnante habileté comme gardien de but.

Rosario n’a pas peur. Il conjuguera à tous les temps le verbe « scantarsi » (avoir peur), pour l’exorciser. La narration pousse notre ado sur le chemin de Toto, Gaetano, Anna, ainsi que de deux Jonathan… une sorte de brutale prise de conscience. En totale empathie avec le jeune protagoniste, le lecteur vit, subit son parcours initiatique. Porté par un langage succinct, rapide, efficace, De rien ni de personne est un premier roman exquis, qu’on savoure d’un seul trait.

Informations pratiques

Dario Levantino, De rien ni de personne, Rivages, 19 €
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