Publié le dimanche, 27 avril 2025 à 10h15
Daria de Ada D'Adamo

Parfois, on écrit pour exorciser le temps qui passe,
pour fixer l'instant présent. Un moment qui dure
indéfiniment, qui repousse la confrontation avec ce
futur, cause de tourments.
Un enfant né « malheureux », comme on dit dans ma
région, avec des problèmes moteurs, intellectuels,
sensoriels, c'est, si on y pense, une autre forme de
présent qui ne passe pas. Un enfant qui n’a pas droit
à un avenir, à un "après nous". L’avenir pour un
parent comme Ada est une source d’angoisse et de
désarroi. Même le présent peut-être, mais il est si
pesant qu’il nous empêche de penser à l'après.
Daria ne peut pas marcher, ni contrôler ses mouvements, ni parler, ni on ne sait combien d'autres choses. Le livre part de là. De la douleur d'une mère, du processus qui la conduit à s'en faire un raison, à trouver une méthode de survie, à maîtriser ses forces pour continuer à avancer.
On trouve dans ces pages des réflexions délicates et
violentes sur le handicap, sur sa représentation
(rhétorique dit Ada), sur le regard des autres.
Toujours pertinentes, elles sont le fruit d'une
longue et douloureuse méditation
.
Mais tant de douleur semble ne pas suffire. À cet
équilibre instable s'ajoute la maladie, qui mine le
corps d'Ada, qui lui enlève les forces qu'elle
consacre à Daria, qui lui enlève le droit de se
penser dans un présent continu. L'avenir est
désormais là, inexorable.
Ce livre est-il une thérapie ? Peut-être, mais pour nous, ce n'est pas important, ce ne devrait pas l'être. La vie de l'écrivain n'existe pas, pour le lecteur, seules les pages écrites existent. C'est aussi une question de respect pour l'auteur lui-même. Cela doit valoir aussi et surtout si l'histoire racontée est une histoire vraie.
Et Daria est une histoire vraie. Un cas littéraire, une "œuvre première" et une dernière œuvre à la fois. Alpha et oméga. Une vie entière tient dans ces quelques pages. Cette Vie a remporté le prix Strega, le Goncourt italien, mais l'auteur n'était plus là pour recevoir son prix.
Dans quelle mesure la nature tragique des événements a influencé le succès du livre? Impossible à dire. Daria est un livre facile et difficile à la fois. Profond et léger. Délicat et violent. L'écriture est éthérée, poétique, mais ne cache ni n'enjolive rien. Cela aurait-il été différent si l'histoire avait été fictive ? Peut-être, du moins pour ceux qui craignent la confrontation à la mort, à la douleur, à la maladie. Mais peut-être pas, car les pages écrites, si elles ont de la valeur, finiront tôt ou tard par survivre à leur auteur.
PS : le titre original est "come d'aria" ("comme faite d'air"), dans lequel Daria devient un léger coup de vent. Difficile à traduire effectivement, mais son excision prive le lecteur de trois mots empreints d'une profonde tendresse.
Informations pratiques
- Ada D'Adamo, Daria, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Grasset, 20,90 €