livres

Publié le dimanche, 27 avril 2025 à 10h15

Daria de Ada D'Adamo

Par Riccardo Borghesi

Daria de Ada D'Adamo - couverture

Parfois, on écrit pour exorciser le temps qui passe, pour fixer l'instant présent. Un moment qui dure indéfiniment, qui repousse la confrontation avec ce futur, cause de tourments.
Un enfant né « malheureux », comme on dit dans ma région, avec des problèmes moteurs, intellectuels, sensoriels, c'est, si on y pense, une autre forme de présent qui ne passe pas. Un enfant qui n’a pas droit à un avenir, à un "après nous". L’avenir pour un parent comme Ada est une source d’angoisse et de désarroi. Même le présent peut-être, mais il est si pesant qu’il nous empêche de penser à l'après.

Daria ne peut pas marcher, ni contrôler ses mouvements, ni parler, ni on ne sait combien d'autres choses. Le livre part de là. De la douleur d'une mère, du processus qui la conduit à s'en faire un raison, à trouver une méthode de survie, à maîtriser ses forces pour continuer à avancer.

On trouve dans ces pages des réflexions délicates et violentes sur le handicap, sur sa représentation (rhétorique dit Ada), sur le regard des autres. Toujours pertinentes, elles sont le fruit d'une longue et douloureuse méditation
. Mais tant de douleur semble ne pas suffire. À cet équilibre instable s'ajoute la maladie, qui mine le corps d'Ada, qui lui enlève les forces qu'elle consacre à Daria, qui lui enlève le droit de se penser dans un présent continu. L'avenir est désormais là, inexorable.

Ce livre est-il une thérapie ? Peut-être, mais pour nous, ce n'est pas important, ce ne devrait pas l'être. La vie de l'écrivain n'existe pas, pour le lecteur, seules les pages écrites existent. C'est aussi une question de respect pour l'auteur lui-même. Cela doit valoir aussi et surtout si l'histoire racontée est une histoire vraie.

Et Daria est une histoire vraie. Un cas littéraire, une "œuvre première" et une dernière œuvre à la fois. Alpha et oméga. Une vie entière tient dans ces quelques pages. Cette Vie a remporté le prix Strega, le Goncourt italien, mais l'auteur n'était plus là pour recevoir son prix.

Dans quelle mesure la nature tragique des événements a influencé le succès du livre? Impossible à dire. Daria est un livre facile et difficile à la fois. Profond et léger. Délicat et violent. L'écriture est éthérée, poétique, mais ne cache ni n'enjolive rien. Cela aurait-il été différent si l'histoire avait été fictive ? Peut-être, du moins pour ceux qui craignent la confrontation à la mort, à la douleur, à la maladie. Mais peut-être pas, car les pages écrites, si elles ont de la valeur, finiront tôt ou tard par survivre à leur auteur.

PS : le titre original est "come d'aria" ("comme faite d'air"), dans lequel Daria devient un léger coup de vent. Difficile à traduire effectivement, mais son excision prive le lecteur de trois mots empreints d'une profonde tendresse.

Informations pratiques
  • Ada D'Adamo, Daria, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Grasset, 20,90 €