Archives Livres

Publié le vendredi, 7 octobre 2022 à 11h10

Ciao Vincent, le parcours d'un immigré italien en banlieue parisienne

Par Riccardo Borghesi

Ciao Vincent - couverture

Parfois, la vie d'un seul homme peut raconter l'histoire de toute une époque. C'est ce qu'a dû penser Debora Di Gilio, "conteuse" de passion et de profession, lorsque, fraîchement installée à Nanterre, elle a rencontré Vincent Pascucci.
Fils d'immigrés italiens de la région des Marches après la Première Guerre mondiale, Pascucci, dont la biographie exemplaire est relatée dans ce beau livre, a été une figure emblématique du militantisme communiste et de l'engagement social, un exemple admirable de la manière dont une intégration réussie apporte de bonnes choses à la fois à ceux qui sont accueillis et, surtout, à ceux qui accueillent.

Non pas que les efforts publics de l'époque, en France comme ailleurs, aient visé à les accueillir ; au contraire, les Italiens étaient considérés comme une main-d’œuvre bon marché et encombrante, comme c'est encore le cas aujourd'hui pour ceux qui les ont remplacés au plus bas de l'échelle sociale. L’accueil était le résultat de la générosité personnelle et de l'engagement individuel : un maître d'école socialiste, un industriel éclairé, la grande famille du militantisme politique.

La grande différence entre cette période et aujourd'hui réside peut-être dans l'effondrement définitif des grandes idéologies et des passions politiques de masse. Et la clé d'une possible intégration était probablement liée à une idée d'internationalisme qui rendait possible d'imaginer une fraternité allant au-delà des différentes origines géographiques.

Aujourd'hui, cette fraternité reçue et largement rendue à ses concitoyens par Vincent Pascucci, est désormais reléguée à des franges très nobles mais marginales du tissu social. De nos jours, les masses pensent surtout à elles-mêmes, et certainement pas à leurs frères venus de loin.

Dans Ciao Vincent, une biographie sous forme de roman graphique, on raconte comment un fils d'immigrés par nécessité (et non par choix comme nous les Italiens d'aujourd'hui) a réussi à devenir plus français que les Français, en luttant avec la résistance pendant l'occupation allemande , en travaillant dur et en se syndicalisant, en s'engageant politiquement et socialement pour la jeunesse en tant qu'administrateur de la ville où il résidait (à Nanterre le stade porte son nom).

Mais la force du livre ne réside pas seulement dans le récit efficace d'un siècle d'histoire, mais aussi dans le niveau affectif de la relation émouvante entre l'auteur et Pascucci, qui, à l'automne de son existence, semble vouloir retracer les étapes et livrer ses souvenirs à la jeune interlocutrice, afin qu'elle en témoigne aux jeunes générations.
Un témoignage qui nous est transmis avec une admiration pleine d'affection dans les pages de "ciao Vincent".

PS : Vous trouverez toutes les informations nécessaires pour vous procurer ce beau livre sur la page suivante : https://www.quellehistoire.org/bd-ciao-vincent/

Informations pratiques
  • Debora Di Gilio, Baptiste Daspet, Marie-Ange Rousseau, Ciao Vincent, le parcours d'un immigré italien en banlieue parisienne, coédition L'ArtBouquine et l'association Quelle Histoire !, 22 €

Vous pouvez commander ce livre sur le site de La LIbreria