Publié le jeudi, 2 juin 2016 à 11h30
Alberto Vigevani, Un Monde sans faille
Alberto Vigevani, à peine vingt ans après sa mort, est malheureusement un auteur presque oublié. Les romans de sa production prolifique vont persister dans les catalogues italiens jusqu’à l’épuisement des stocks, mais ensuite il est quasi certain que son œuvre deviendra introuvable.
Pourtant il a été un écrivain d’un grand raffinement qui, avec élégance et efficacité à l’instar de Giorgio Bassani, mais avec beaucoup moins de succès, a su raconter les traumatismes de la guerre et des lois raciales, souvent, comme dans « un monde sans faille », sous le regard nostalgique de l’enfance.
Comme Bassani (à noter la matrice toponymique des deux patronymes) Vigevani était d’origine hébraïque et il vécut en personne les conséquences néfastes des lois raciales fascistes. Dans « Un monde sans faille », édité par Liana Levi dans la belle traduction de Claude Bonnafont, sont recueillis deux brefs romans, qui relatent, justement à travers le regard d’un enfant, la manière dont le monde de la bourgeoisie juive milanaise ne sut voir monter la vague noire de l’antisémitisme.
Mais si le premier roman, d’ambiance décadente et nostalgique, prend des accents proustiens pour raconter la désagrégation d’un monde privilégié et cosmopolite dans le destin du banquier Alzeheryan, le deuxième en revanche, en racontant la volte-face du grand ami paternel, riche industriel lié au fascisme par opportunisme, prend les couleurs grotesques de la comédie à l’italienne, typique des films de Alberto Sordi.
Au-delà de ce double registre tragique/grotesque (qui sied bien à tous les régimes illibéraux), la tragédie du fascisme est racontée de façon intimiste et délicate à travers les cicatrices laissées dans le quotidien, les traces sur les visages éprouvés des personnes aimées, la stupeur de se découvrir différents, après s’être longtemps crus égaux.
Informations pratiques
Alberto Vigevani, Un Monde sans faille, Liana Levi (Piccolo), 7,50 €