Publié le mercredi, 10 mai 2023 à 14h44
Absolutely Nothing de Giorgio Vasta et Ramak Fazel : Amor vacui
We're on a road to nowhere chantait le groupe Talking Heads dans les années 1980. Un voyage nulle part, dans le vide, c’est exactement le projet fou dans lequel se laisse embarquer l’auteur, Giorgio Vasta. En compagnie de Silva, une éditrice de Milan et de Ramak, un photographe irano-américain, il sillonne le sud des États-Unis d’ouest en est. De la Californie à la Louisiane. Le tout en 15 jours.
Le périple géographique se mue rapidement en voyage intellectuel et spirituel. Que cherche-t-on dans le désert américain ? Est-ce une réponse à l’appel du vide ? En réalité, plus que la quête paradoxale du « néant », il s’agit de la fascination pour l’anéantissement, pour le processus de désagrégation. Le petit groupe se balade parmi des vestiges, des décombres, des essais avortés, des villes et des villages dépeuplés… car le désert a toujours le dernier mot. Son action, parfois lente, imperceptible, est inexorable.
A bord d’une Jeep rouge, fournie par leur sponsor, les trois protagonistes, contraints à une proximité forcée et pas toujours évidente, parcourent 5034 miles (environ 8000 kilomètres). Au fil des visites et des rencontres, plusieurs expériences se chevauchent. Le voyage est une plongée à plusieurs niveaux et dans plusieurs disciplines : géographie, histoire, cinéma, philosophie, architecture, sociologie… Chaque rencontre est le point de départ d’une histoire, d’une anecdote, d’un souvenir, d’une réflexion. Les quinze jours de voyage remplissent aisément plus de trois cent pages.
Depuis les années 1940, ces lieux ont été le décor de plusieurs films : Les raisins de la colère, Bagdad café, Point limite zéro... ou bien de vidéo-clips de chansons à succès. On a tenté d’y faire germer des utopies architecturales ou spirituelles, on a assisté à la fin inexorable des rêves les plus divers (les mines, les courses de chevaux, les parcs d’attractions). Le désert reprend toujours ses droits, réoccupe toujours le terrain qu’on a, en vain, tenté de lui soustraire.
Absolutely Nothing est un ovni éditorial. Le texte de l’auteur est illustré par les beaux clichés de Ramak Fazel. Giorgio Vasta ne se limite pas à écrire et décrire son expérience. Il la vit sous nos yeux. Les émotions de l’auteur sont palpables, jaillissent des pages et nous contaminent. Il se crée une forte empathie entre Giorgio Vasta et ses lecteurs. Une empathie perceptible jusqu’à la dernière page.
Informations pratiques
- Giorgio Vasta et Ramak Fazel, Absolutely Nothing, traduit de l'italien par Louise Boudonnat, Verdier 24€