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Bijou, restaurant Paris 18

Par Stefano Palombari

Le Gourmet ragù della domenica de Gennaro Nasti

Cet article a mis longtemps à voir le jour. Une longue gestation, nécessaire pour rédiger un texte qui puisse rendre justice au travail de Gennaro Nasti sans pour autant être complaisant.

Par souci de clarté, je préfère prévenir en effet le lecteur qu’il ne s’agit pas d’une critique, après test à l’aveugle (comme nous avons l’habitude de faire), du restaurant Bijou. Cela ne serait pas possible car l’objectivité et l’honnêteté intellectuelle, condicio sine qua non, pour ce genre d’exercice sont biaisées par les liens d’amitié et d’estime qui me lient à cet « artiste de la pâte levée ». Il faut donc lire ces lignes comme une tentative consciente et assumée de transcrire au mieux le message que Gennaro Nasti souhaite faire passer par le biais de ses propositions culinaires.

Je parle volontairement d’ « artiste de la pâte levée » et pas d’« artiste de la pizza » car il s’agit là d’un point très important pour Gennaro. Bijou est régulièrement classé par la presse française parmi les meilleures pizzerias de la Capitale. Ce qui devrait flatter le jeune napolitain, l’énerve en fait au plus haut niveau. « Chacun fait son métier » me confie Gennaro « les pizzerias napolitaines de Paris font un bon travail. Des pizzas plutôt classiques, traditionnelles. Moi, je fais un autre travail. Pourquoi comparer ce qui n’est pas comparable ? ». Lorsqu’on classe, on commet souvent des simplifications.

« Bijou n’est pas une pizzeria. Il ne faut donc pas le comparer aux pizzerias présentes à Paris ». Voilà que le mot est lâché ! Il est vrai qu’un four à bois particulièrement performant campe au beau milieu de l’entrée. Il est vrai aussi que quelques pizzas – quatre entre 14 et 18,50 € : margherita verace, quattro formaggi, pugliese et salsiccia e friarielli - sont proposées sur la carte du restaurant. Mais le concept de Bijou est axé sur un autre genre de mets. Difficile de trouver un nom générique satisfaisant car c’est tout nouveau. Gennaro les a appelés « Gourmet ». On a assisté, en Italie d’abord et ensuite en France, à la déferlante des « pizzas gourmet ». Des pizzas à base de produits 100 % italiens, traçables, souvent AOP et bio. Ce que propose Bijou va au-delà, ce qui fait que ces créations perdent le substantif « pizza ».

Gennaro Nasti refuse l’assimilation, cette sorte d’équivalence, entre pâte levée et pizza. « La pizza n’est qu’une expression de la pâte levée. Il y en a d’autres ». La pizza est figée, elle ne bouge plus. « Sa réalisation est surveillée par les vestales de la tradition ». Une sorte de religion donc. Dont s’éloigner correspond à une hérésie. Gennaro n’a pas peur de porter les habits de l’hérétique ou bien du réformateur. Il sait qu’il est à la hauteur du défi qu’il s’est lui-même lancé. Sur la carte de Bijou donc des spécialités à base de pâte levée qui ne sont pas des pizzas. Si la pâte n’a plus de secrets pour lui, Gennaro est conscient de ne pas être un chef cuisinier. C’est pour cela que pour la garniture, il a embauché le jeune et talentueux chef Marco Di Martino.

La pâte est absolument extraordinaire. Elle est réalisée exclusivement à partir de Petra 9, farine intégrale, biologique, moulue à la pierre à très faible teneur en gluten. Comme c’est le gluten qui confère à la pâte la souplesse nécessaire à être aisément travaillée, celle réalisée avec de la Petra 9 n’est donc pas très disposée à se laisser manipuler convenablement. L’opiniâtreté de Gennaro, qualité dont il est généreusement fourni, lui a permis de trouver une petite astuce pour pouvoir travailler sa pâte à la napolitaine. Le résultat est époustouflant : un pâte moelleuse et bien alvéolée.

Par rapport aux pizzas, les créations « gourmet » de Bijou ont deux singularités : la pâte est toujours coupée en parts et elle est rigoureusement assaisonnée par le Marco une fois sortie du four. En tant que chef cuisinier le jeune Di Martino prépare des « sauces » traditionnelles napolitaines sur la base des recettes fournies par Gennaro. La plupart d’entre elles sont totalement méconnues en France ainsi que dans le reste de l’Italie, à l’instar du ragù della domenica ‘ragoût du dimanche’, une sauce tomate simple, de la cuisine pauvre napolitaine, sans viande. Pour l’obtenir il faut laisser la sauce mijoter pendant des heures au point de devenir épaisse. Le résultat se retrouve ensuite sur la pâte tout juste sortie du four, on y ajoute une tranche de mozzarella de bufflonne, un filet d’huile d’olive Muraglia bio, une feuille de basilic et le tour est joué.

Certains pourraient trouver Bijou cher. Quelques spécialités « gourmet » atteignent les 30 €. Ceci dit, si l’on compare Bijou à d’autres restaurants gastronomiques italiens à Paris, les prix sont dans la moyenne. Ici, il s’agit de créations, uniques… comme des bijoux.

Publié le lundi, 30 janvier 2017 à 10h12

Informations pratiques
  • Bijou
  • 10 Rue Dancourt - 75018 Paris. Tél. 01 42 57 47 29
  • Ouvert tous les jours midi et soir

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