Publié le lundi, 12 mars 2018 à 09h21
Un Homme Seul, roman de Antonio Manzini
Quatrième enquête du sous-préfet Rocco Schiavone traduite en France, Un Homme Seul est un polar bien huilé qui retient de bout en bout l’attention du lecteur. C’est l’art d’Antonio Manzini : écrivain, réalisateur et acteur, il a un succès notoire en Italie grâce à son personnage fétiche, Rocco Schiavone, qui a aussi été adapté dans une série télévisée dédiée, bientôt sur les écrans français.
Pourquoi Rocco Schiavone est-il aussi captivant pour le lecteur ?
Schiavone, sous-préfet romain à la mauvaise humeur légendaire, a atterri dans la Vallée d’Aoste suite à une mutation forcée. C’est un déraciné qui se retrouve dans cette région, bien éloignée de la chaleur de la dolce vita que l’on connaît dans la capitale. Ici, le climat est hostile et les personnalités aussi…Cet exilé romain, qui refuse de s’adapter à cette nouvelle couleur locale, devient sympathique vis-à-vis du lecteur. Le rapport de Rocco à sa zone géographique permet d’exercer un parallèle avec le bien connu commissaire Montalbano d’Andrea Camilleri. Alors que le sicilien adore son île et ses spécificités et se complaît à évoluer dans cet environnement insulaire ; Rocco Schiavone prend, lui, un malin plaisir à revendiquer ses origines romaines et à marquer sa différence avec les valdôtains.
Sur le plan psychologique, Schiavone est rusé et malicieux, parfois politiquement incorrect, allant à l’encontre de son statut d’homme d’État. Un peu charmeur avec les femmes, il suscite aussi leur confiance et certaines voient en lui un homme fiable et rassurant, parfois à ses dépens.
Dans un Homme Seul, deux intrigues s’entremêlent : une affaire d’appel d’offres truqué impliquant directement l’un des plus grands industriels de la Vallée d’Aoste et la tentative d’assassinat du sous-préfet lui-même, qui a coûté la vie à Adele, la compagne de son meilleur ami. Les affaires, bien que très détaillées, sont brillamment imbriquées et clarifiées, de sorte à ce que le lecteur ne soit jamais perdu. Le roman s’ouvre sur un Rocco Schiavone désabusé et inquiet, se cachant de tous, même auprès de ses plus proches relations et de son coéquipier, Italo. Seul le réconfort de Lupa, sa jeune chienne de compagnie semble l’apaiser. Au début du récit, Rocco est un homme comme un autre, avec ses faiblesses et son passé.
Ces moments de solitude sont propices au souvenir de sa défunte épouse, Marina. Un élément déclencheur remet Schiavone dans la course et l’incite à découvrir « toute la vérité, rien que la vérité ». Le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la dernière page de cette quatrième enquête. Il s’attache au fil de l’histoire à Rocco, qui va jusqu’à vivre des scènes plus rocambolesques les unes que les autres, comme son court séjour en prison pour une immersion totale dans le cadre de l’enquête d’une émeute qui avait éclatée quelques jours auparavant.
Un Homme Seul est un livre qui s’apprécie pour une lecture unique, mais le caractère intense de l’intrigue suscite la curiosité du lecteur, qui donne envie de (re)découvrir les trois précédentes enquêtes. Un Homme Seul, est, comme la troisième aventure de Schiavone, Maudit Printemps, un livre « ouvert », se suffisant à la fois à lui-même dans sa lecture mais suggérant une trame plus profonde et plus continue qui ne se résout pas à la dernière page. Vivement le prochain rendez-vous que nous donnera Antonio Manzini avec Rocco Schiavone.