Toutes les familles, roman d'Andrea Bajani

Par Luisa Palazzo

Avec Toutes les familles Andrea Bajani tisse le fil invisible qui relie une génération à l’autre et nous raconte une histoire qui, comme l’indique le titre, appartient à tout le monde.

Dès les premières pages du roman, la narration donne la parole à un Nous collectif qui dans l’histoire est celui du protagoniste Pietro et de sa compagne Sara, mais qui métonymiquement est aussi celui de tout lecteur :

Dans le Nous que Sara prononçait, il y avait toute la vie que nous vivrions ensemble (…) : Nous qui pour le moment ne sont que deux, mais qui bientôt serons trois, quatre, voire cinq, et dont les enfants envahiront votre immeuble, des enfants qui au début pleureront un peu, puis qui iront sur le balcon, accompagnés par quelqu’un qui les fera marcher sur la pointe des pieds (…) plus tard vous les verrez franchir le portail, la main dans celle de leur mère, sur le chemin de l’école, puis vous les verrez sortir seuls (…) ils iront à l’université, vous les verrez partir le dimanche avec un sac de voyage et rentrer le samedi avec le même sac déformé, puis vous les verrez emporter leurs quelques affaires et déménager, venir déjeuner un dimanche de temps en temps (…) et nous, nous la mère et le père, vous nous verrez soudain orphelins de nos enfants (…) bondir dans l’appartement en entendant le téléphone sonner(…) vous verrez des ventres pousser et traverser la cours avec nos enfants, et tout recommencera, vous entendrez de nouveau pleurer dans l’appartement, nous qui vieillirons alors d’un coup, un effondrement brutal, et, satisfaits, nous sourirons, tout occupés par ces enfants que nos enfants nous auront donnés à leur place.

Le Nous de Pietro et Sara est le point de départ et le point d’arrivée du récit de Bajani, qui à travers la mémoire de ses personnages fait voyager le lecteur d’une époque à l’autre. Mais le voyage est aussi l’un des thèmes du roman, car la mémoire du passé amènera Pietro en Russie, sur les traces de son grand-père et de tous les grands-pères qui dans ce pays y étaient allés pendant la guerre.

Entre vieilles photos et cartes de bataille, Bajani croise les secrets de tous ces hommes avec les cahots de l’Histoire. Et si le voyage, à la fois réel et de la mémoire, peut sembler un peu trop ambitieux, le fil de l’histoire ne se perd pas. Car c'est justement la trajectoire de ce voyage qui dessine dans la trame le sens du roman : repartir dans le passé pour trouver le courage d’aller de l’avant.