Archives Cinéma

Publié le jeudi, 16 janvier 2020 à 09h35

Tout Vittorio De Sica ou presque à la Cinémathèque

Par Valérie Mochi

Marcello Mastroianni et Sophia Loren dans Mariage à l'italienne

Vittorio De Sica, figure majeure et incontournable du cinéma italien, tout à la fois acteur, réalisateur, scénariste et producteur, un des pères du néoréalisme avec Rossellini et Visconti, il est aussi un des réalisateurs et interprètes les plus important et populaire de la comédie italienne.
Un homme de succès, tout au long d’une carrière de près de 60 ans au service du cinéma, toujours novateur et reconnu internationalement, il obtient 4 Oscars.

Maestro infatigable, il mène une carrière artistique sans pareille, il est présent sur tous les fronts.
Chanteur, aspect de sa carrière aujourd’hui oublié, il commence dès l’enfance dans les rues de sa chère ville de Naples, puis au cinéma, dans Les Hommes quels muffles ! (Gli uomini, che mascalzoni...) 1932 de Mario Camerini, De Sica chante la romance célèbre (à l’époque) « Parlami d'amore Mariù ». Ce film le fera connaître du grand public et le conduira à enregistrer de 1931 al 1940 une trentaine di 78 tours pour la Columbia.

Comédien de théâtre, c’est à l’adolescence que de Sica monte sur les planches et continue de jouer au théâtre jusqu’en 49 où trop occupé par le cinéma, il abandonne la scène. Acteur pour le cinéma dès 16 ans en 1917 dans L'Affaire Clemenceau (Il Processo Clemenceau) d'Alfredo De Antoni, plus de 160 films plus tard, il fait sa dernière apparition dans un film de vampire devenu culte de Paul Morrissey et Antonio Margheriti Du sang pour Dracula (Dracula cerca sangue di vergine e... morì di sete!!!) en 1974.

Réalisateur en 1940, il commence par une coréalisation avec Giuseppe Amato pour Roses écarlates (Rose scarlatte), s’ensuivront près de trente films qu’il réalisera seul et dans lesquels il jouera souvent, la plupart sont devenus des classiques du cinéma mondial. Infatigable jusqu’au dernier souffle, il consacre sa vie au cinéma, et c’est pendant le tournage de son film Le Voyage (Il Viaggio ) en 1974, avec Sophia Loren et Richard Burton, que De Sica apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon, il en mourra peu de temps plus tard, juste le temps d’assister à l’avant première.

En 1941 Vittorio De Sica rencontre un autre artiste infatigable et prolifique, l’écrivain Cesare Zavattini, avec lequel il collabore pour l’écriture du scénario de Mademoiselle Vendredi (Teresa Venerdì) avec une très jeune Anna Magnani et le premier de ses films dans lequel De Sica ne joue pas.
En 1943 avec Zavattini ils produisent le premier film en réaction aux comédies des Téléphones Blancs, Les Enfants nous regardent (I bambini ci guardano), un des films avec Les Amants diaboliques (Ossessione) de Visconti de la même année, à annoncer l’arrivée du néoréalisme.

Comme Visconti, De Sica et Zavattini choquent le public et les institutions. Les Enfants nous regardent (I bambini ci guardano) traite de l’adultère féminin, du suicide, d’un enfant abandonné à lui même, des sujets subversifs, interdits par l’idéologie fasciste qui le fera payer cher à De Sica et Visconti.

La libération arrive et Zavattini et De Sica peuvent reprendre leur collaboration pour dénoncer les conditions sociales des italiens pauvres, décrire la dure réalité, et produire des chefs d’œuvre toujours à hauteur d’enfant avec la tétralogie, Sciuscià (1946), Ladri di biciclette (1948), Miracolo a Milano (1951), d’après le roman Totò il buono de Zavattini, et Umberto D. (1952).

Ils reçoivent de nombreux prix, et apportent une note plus joyeuse à leur analyse de la situation italienne dans les films suivants. Carlo Ponti devient producteur des films de De Sica, et de fait Sofia Loren devient la protagoniste de plusieurs films, L'Or de Naples (L'Oro di Napoli) en 1954, où Sofia promène sa silhouette de vamp populaire dans les rues la ville adorée de De Sica, puis dans son rôle célèbre La ciociara en 1960 qui lui vaut un Oscar de la Meilleure Actrice.

Aussi lorsqu’elle est de retour d’Hollywood, devenue star, elle reprend sa place devant la caméra de De Sica, elle tourne sous sa direction en 1962 deux films, Boccace 70 (Boccaccio '70) et Les Séquestrés d'Altona (I Sequestrati di Altona). Puis c’est Mastroianni qui entre dans le cercle et reforme avec Sofia Loren leur couple mythique dans Hier, aujourd'hui et demain (Ieri, oggi, domani) 1963 et sa non moins célèbre scène de streap tease reprise par Robert Altman trente ans plus tard dans Prêt-à-porter (Ready to Wear), puis Mariage à l'italienne (Matrimonio all'italiana) 1964, et Les Fleurs du soleil (I girasoli) en 1970.

Dans les années 60 quand les américains choisissent Cinecittà pour tourner leurs superproductions, De Sica réalise des films avec des acteurs internationaux, américains, Shirley MacLaine, Clint Eastwood, Faye Dunaway, britanniques Peter Sellers, Richard Burton et français, Pierre Brasseur, et Dominique Sanda dans le magnifique Jardin des Finzi Contini (Il giardino dei Finzi-Contini) en 1970 également et pour lequel il obtient son dernier Oscar.

Car De Sica, qui réussit à tourner deux films dans la même année, sera aussi scénariste pour d’autres réalisateurs Matarazzo, Bragaglia, Cottafavi et surtout il continuera à interpréter des rôles de premier plan, avec Danielle Darrieux dans Madame de… (I gioielli di madame de...) 1953 de Max Ophuls, dans le colossal hollywoodien de Charles Vidor Adieux aux Armes (A Farewell to Arms) 1957 ou dans Général de la Rovere (Il generale Della Rovere) (1961) de Rossellini et des comédies comme la trilogie Pain, Amour et … (Pane, Amore e …) dans son rôle de maresciallo Antonio Carotenuto.

Infatigable, la vie privée de De Sica est à l’image de son incessante activité pour le cinéma, partagé entre ses deux épouses, toutes deux actrices et leurs enfants. Au Mexique il divorce de Giuditta Rissone et se remarie avec Maria Mercader, mais la loi italienne ne reconnait ni le divorce ni le mariage et il ne veut pas abandonner ses enfants.

Double vie de famille, nuits au casino, mais à 5 h sur le set, De Sica est un joueur, un flambeur, un travailleur, un séducteur, « un italiano vero » tout en douceur et distinction quelque soit son rôle.

A travers lui c’est le cinéma italien que l’on revisite, de l’époque du muet aux années 70, Vittorio de Sica c’est une force vitale qu’il transmet de film en film, un rythme endiablé, des interprètes au tempérament de feux, une capacité à montrer son amour de manière égale pour tous ses personnages, et un charme, une élégance, une voix, qui sont encore une référence aujourd’hui.

« Les souffrances, la misère sont un remède et un poison en même temps » écrit De Sica en 1952 après avoir terminé le tournage de Umberto D. « Avec la douleur, les hommes retournent, par une intrinsèque exigence de l’esprit, à ces vérités fondamentales et lointaines qui sont à la base de notre culture, de notre foi et de notre nature ».

Des classiques aux plus rares, la Cinémathèque propose une rétrospective complète de ses films en tant que réalisateur, près de trente, et une sélection d’une vingtaine de films dans ses rôles les plus célèbres ainsi qu’une conférence le 6 Février à 19h de Paolo Mereghetti, critique de cinéma au quotidien Corriere della sera, intitulée Qui êtes-vous Vittorio De Sica ?

Informations pratiques
  • La Cinémathèque française
  • 51 Rue de Bercy - 75012 Paris
  • Du 29 Janvier 2020 au 2 Mars 2020. le code VdSItalieParis permet de bénéficier du tarif à 4 € la séance au lieu de 7 €, sur la billetterie en ligne